Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

marier. Je les en avois toujours détournés comme d’une chose prématurée à l’âge et au grade militaire de leur fils qui, en avançant en âge et en fortune, ne pouvoit que trouver des partis plus avantageux, et propres à avancer sa fortune. Surtout je les exhortois à profiter de leur situation heureuse sans dettes, avec près de cinquante mille livres de rente en belles terres depuis Paris jusqu’à Abbeville, pour ne pas faire de mésalliance, dont leur fils m’avoit toujours paru infiniment éloigné.

Voyant leur empressement de le marier devenu incapable de raison, nous pensâmes, Mme de Saint-Simon et moi, à chercher à les satisfaire d’une manière convenable, et nous crûmes trouver tout dans Mlle de Risbourg. Le marquis de Risbourg, son père, étoit petit-fils du frère du prince d’Espinoy, du fils duquel prince d’Espinoy il a été parlé ici plus d’une fois, qui étoit mort il y avoit déjà quelques années, et de la veuve duquel, sœur de Mlle de Lislebonne, il a encore été plus souvent mention dans ces Mémoires. Ce marquis de Risbourg, dont il s’agit ici, avoit suivi en Espagne la fortune de son père et de son grand-père, qui s’y étoient attachés, et il y étoit demeuré au service de Philippe V. Il étoit alors grand d’Espagne, chevalier de la Toison-d’Or, colonel du régiment des gardes wallonnes, vice-roi de Catalogne, et résidoit à Barcelone. Il étoit veuf, riche, et n’avoit que deux filles, dont l’aînée, fort dévote, avoit renoncé au mariage, et qui toutes deux vivoient ensemble dans leurs terres en Flandre, ou dans nos villes qui en étoient voisines, avec une grande bienséance et beaucoup de réputation de vertu. Leur père ne vouloit point se remarier, étoit assez singulier. Tous ses biens de Flandre et tout ce qu’il avoit amassé en Espagne, qui alloit à beaucoup, revenoit donc après lui à ses filles, et plus que tout cela sa grandesse après lui. Il avoit depuis longtemps mis toute sa confiance en la princesse d’Espinoy, dont je viens de parler ; elle avoit sa procuration pour gouverner ses biens de Flandre, et pour