Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/234

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la conduite personnelle de ses filles, et leur commerce de lettres et d’amitié étoit continuel.

Personne de distingué n’avoit pensé à un si grand parti, mais peu connu et relégué, et plus douteux encore par l’âge et la situation du père, à qui il pouvoit prendre envie de se remarier. Nous en parlâmes à Sandricourt, et à son père et à sa mère, qui regardèrent cette affaire comme la plus grande qu’ils pussent faire, et telle qu’ils ne l’osaient espérer. En effet, tout y étoit : biens, alliance, la plus grande naissance, un père dans les premiers honneurs et emplois, et par ce que nous savions de son éloignement pour un second mariage, certitude de sa grandesse après lui. Les Sandricourt nous pressèrent de voir ce qu’ils en pourroient espérer.

Mme de Saint-Simon en parla à Mme d’Espinoy, qui reçut la proposition avec toute sorte d’agrément. Elle convint de tout l’éloignement du marquis de Risbourg de se remarier, parla franchement sur la confiance qu’il avoit en elle, et promit de lui en écrire au plus favorablement.

À peine sa lettre était-elle partie, que les Sandricourt nous vinrent dire que cette affaire ne réussiroit jamais ; qu’ils étoient pressés de marier leur fils ; qu’il n’y avoit rien de meilleur que de s’allier à la robe pour la conservation des droits des terres, et pour les procès qui pouvoient survenir ; et qu’ils étoient résolus à le faire. Le fils vint me trouver, fit le désolé, me conjura de ne le point abandonner à la fantaisie de son père et de sa mère. Il en dit autant à ma mère et à Mme de Saint-Simon, et nous le crûmes de bonne foi.

Il est aisé d’imaginer ce que nous dîmes au père et à la mère, surtout la lettre de la princesse d’Espinoy au marquis de Risbourg étant partie. Leur embarras fut grand, mais leur opiniâtreté la fut davantage. Ils ne parloient qu’en général, et nous espérions qu’avant qu’ils eussent trouvé, et le jeune homme persistant dans les sentiments qu’il ne cessoit de nous témoigner, l’affaire s’engageroit avec le marquis