Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/392

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temps sur les chasses et sur les promenades, dont il n’eut plus la liberté. Ce dépit, qu’on voulut faire à ses dépens à Giudice qu’il aimoit fort, tourna en fort mauvais discours, et fort publics, sur les desseins qu’on prêtoit à la reine et à son confident. Ce hardi Italien, ébloui d’une situation si flatteuse, voulut la faire éclater de plus en plus à Rome pour s’y faire compter et favoriser ses vues ; à Madrid pour s’y faire redouter par la montre extérieure de son pouvoir. Il se fit donc donner la commission secrète de conférer et de travailler avec le confesseur sur les différends avec Rome, qui jusqu’alors en étoit chargé seul, et en même temps ce qui étoit sans exemple, un appartement au palais, près de celui de la reine, où les secrétaires des finances, de la guerre et de la marine eurent ordre d’aller travailler avec lui, sans la participation du conseil, sur toutes les affaires de leurs départements, et de ne faire aucune expédition sans les lui communiquer. Un reste de considération mourante du cardinal del Giudice en excepta le seul Grimaldo. En cet état, Albéroni ne doutoit de rien. Il comptoit d’autant plus sur le rétablissement des finances que le roi d’Espagne étoit le seul monarque qui n’eût point de dettes, parce qu’il n’avoit pas eu le crédit d’en contracter. Il s’assuroit sur les compliments des ministres d’Angleterre, qui ne tenoient à Madrid qu’un secrétaire fort malhabile et sans expérience, et sur ceux de Riperda qui lui succéda depuis, lors ambassadeur de Hollande à Madrid, qui n’avoit ni estime ni considération dans sa république, qui, se croisant d’ailleurs, s’unissoient pour chasser les François des Indes, et s’en flattoient par la persuasion où ils étoient que le roi d’Espagne s’éloignoit de plus en plus de la France, et par la facilité d’Albéroni à passer aux Anglois des articles si favorables au dernier traité de commerce qu’il se disoit hautement qu’il en avoit reçu force guinées, que les moins mal intentionnés l’accusoient de grossière ignorance, et on l’appeloit publiquement par dérision le comte-abbé, par allusion au comte-duc d’Olivarez,