Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/404

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Giudice, qui n’avoit plus que le nom de premier ministre, qui ne se contraignit pas de lui répondre qu’il n’avoit rien à espérer de la faiblesse d’un aussi mauvais gouvernement qui, aussi bien que celui de France, ne se soucioit que de demeurer en paix.

Stairs commit en ce même temps une scélératesse complète : il manda faussement au roi son maître que la France armoit puissamment pour le rétablissement du Prétendant, avec tous les détails des ports, des vaisseaux et des troupes. Ce bel avis mit l’alarme en Angleterre ; les fonds publics y baissèrent aussitôt. Le roi d’Angleterre étoit prêt d’aller au parlement demander des subsides pour la guerre inévitable avec la France et la sûreté de l’Angleterre. Monteléon, qui sentit l’intérêt que l’Espagne avoit d’empêcher la rupture de l’Angleterre avec la France, parla si ferme et si bien à Stanhope, qu’il l’arrêta tout court ; que ce ministre, voyant ensuite clairement que cet avis n’avoit point d’autre fondement que la malignité de celui qui l’avoit donné, changea tout a coup de système. Il avoit commencé à proposer à Monteléon une union entre l’Angleterre et l’Espagne pour la neutralité de l’Italie, et même pour la garantie au roi de Sicile de ce qu’il possédoit en vertu du traité d’Utrecht ; il sentoit le mécontentement universel qui fermentoit dans toute la Grande-Bretagne du gouvernement, et l’importance de l’affranchir de l’inquiétude des secours que la France et l’Espagne pourroient donner au Prétendant ; il revint donc à souhaiter que la France entrât dans l’union dont on vient de parler, et [voulût] se porter en même temps pour garante de la succession à la couronne de la Grande-Bretagne dans la ligne protestante, conformément aux actes du parlement. Ainsi la scélératesse de Stairs et cet infatigable venin qui lui faisoit empoisonner les choses les plus innocentes, et controuver les plus fausses pour brouiller la France avec l’Angleterre, fit un effet tout opposé à ses intentions ; et cette époque fut le commencement du chemin de l’union tant