Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/432

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voir naître du trouble pour se rendre nécessaire ; Huxelles enfin, ami intime du premier président, et dont le thème auprès du régent étoit la nécessité de l’intelligence avec le parlement pour le pouvoir contenir sur les matières de la constitution et de Rome ; un Broglio, un Nocé, d’autres petits compagnons, instruits par les autres ou par leurs propres liaisons à placer leur mot à propos. Ainsi, tantôt sur une matière, tantôt sur une autre, cette lutte se multiplia, se fortifia, s’échauffa, et conduisit, comme on le verra, les choses au bord du précipice.

Je m’étois dépité à cet égard par une infinité de raisons ; la défiance et la faiblesse du régent se réunissoient contre tout ce que je lui pouvois dire là-dessus. Je lui déclarai â la fin que je me lavois les mains de tout ce qui lui pouvoit arriver de la misère de sa conduite avec le parlement, de l’audace des entreprises de cette compagnie, de la friponnerie de gens qui l’environnoient, qui avoient mis le grappin sur lui, qu’il combloit d’amitiés, de confiance, de grâces, et qui étoient ses ennemis et le vendoient à leurs intérêts, à leurs vues et au parlement. J’ajoutai que je ne lui parlerois de ma vie de rien qui eut rapport au parlement, et que je saurois mettre à leur aise ses soupçons sur la haine qu’il me croyoit contre le parlement ; mais que je lui prédisois et le priois de s’en bien souvenir, qu’il n’irait pas loin sans que les choses n’en vinssent entre lui et cette compagnie au point qu’il se verroit forcé de lui abandonner toute l’autorité et tout l’exercice de la régence, ou d’avoir recours à des coups de force très dangereux. Je lui tins exactement parole ; on verra en son temps ce qui en arriva.

Il avoit alors une affaire à éclore, dont on se servit beaucoup pour le rendre si docile à l’égard du parlement. Un Écossois, de je ne sais quelle naissance [1], grand joueur et

  1. Jean Law était né à Edimhourg, eu avril 1671. Par sa mère, Jeanne Campbell, il se l’attachait à l’illustre maison des ducs d’Argyle. Son père était un riche banquier d’Édimbourg ; il possédait les terres seigneuriales