Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/438

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moi un habile financier ; mais qu’en homme d’esprit, et il en avoit beaucoup, il avoit songé à s’approcher d’un serviteur du régent qui avoit la plus véritable part en sa confiance, et qui de longue main s’étoit mis en possession de lui parler de tout et de tous avec la plus grande franchise et la plus entière liberté, de tâcher par cette fréquence de commerce, de gagner mon amitié, de s’instruire par moi de la qualité intrinsèque de ceux dont il ne voyoit que l’écorce, et peu à peu de pouvoir venir au conseil à moi sur les traverses qu’il essuyoit, et sur les gens à qui il avoit affaire, enfin de profiter de mon inimitié pour le duc de Noailles, qui en l’embrassant tous les jours, mouroit de jalousie et de dépit, lui suscitoit sous main tous les obstacles et tous les embarras possibles, et eût bien voulu l’étouffer. La banque en train et florissante, je crus nécessaire de la soutenir. Je me prêtai à ces instructions que Law s’étoit proposées, et bientôt nous nous parlâmes avec une confiance dont je n’ai jamais eu lieu de me repentir. Je n’entrerai point dans le détail de cette banque, des autres vues qui la suivirent, des opérations faites en conséquence. Cette matière de finances pourroit faire des volumes nombreux. Je n’en parlerai que par rapport à l’historique du temps, ou à ce qui a pu me regarder en particulier. J’ai dit les raisons, vers les temps de la mort du roi, qui m’ont fait prendre le parti de décharger ces Mémoires des détails immenses des affaires des finances et de celles de la constitution. On les trouvera traitées par ceux qui n’auront eu que ces objets en vue beaucoup plus exactement, et mieux que je n’aurois pu le faire, et que je n’aurois fait qu’en me détournant trop longuement et trop fréquemment de l’histoire de mon temps, que je me suis seulement proposée. Je pourrois ajouter ici quel fut Law. Je le diffère à un temps où cette curiosité se trouvera mieux en sa place.

M. le duc d’Orléans donna l’évêché de Vannes à l’abbé de Tressan, son premier aumônier ; celui de Rodez à l’abbé