Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/461

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au pape la moitié du sussidio y excusado [1], qui est une imposition sur le clergé dont il ne jouissoit pas depuis cinq ans, et le même aux Indes ; un délai de quelque temps de nommer aux vacances des archevêchés et des évêchés d’Espagne, pour en amasser les revenus et les employer à l’armement de mer que le pape désiroit pour l’année suivante, ainsi que les libéralités que le clergé voudroit bien faire, suivant les brefs d’exhortation que Sa Sainteté avoit envoyés, et remettre ces sommes au commissaire del cruzade [2], qu’on comptoit devoir être suffisantes pour armer douze vaisseaux et six galères. On peut réfléchir en passant sur la dureté du joug que le clergé exerce sur les plus grands rois qui ont eu la faiblesse de se le laisser imposer, et qui ne peuvent le secouer que par des extrémités qui les séparent de l’Église, comme il est arrivé à la moitié de l’Europe, que Rome et leur clergé a mieux aimé perdre : Rome par sa tyrannique domination qui n’avoit de fondement que son usurpation contre les préceptes si formels de Jésus-Christ ; le clergé par son insolence et son indépendance.

Il est vrai que ces demandes ne méritoient pas pour courrier un nonce dépêché à l’insu du pape, qui avoit eu tant de peine à le faire recevoir comme que ce fût à Madrid. On se persuada donc qu’il s’agissoit de former une ligue entre l’Espagne et les princes d’Italie, et même de prendre des mesures avec le pape sur les événements qui pouvoient arriver en France. Le roi d’Espagne avoit toujours été entretenu dans le désir de recouvrer les États qu’il avoit cédés en Italie par la paix, beaucoup plus depuis son second mariage.

  1. Le mot espagnol subsidio ou sussidio désigne d’une manière générale toute espèce d’impôt. On appelait excusado un tribut spécial que le roi d’Espagne levait sur les revenus du clergé avec l’autorisation du pape.
  2. On appelait crusade, cruzade ou cruzada, le droit que le pape Jules II avait accorde, en 1509, aux rois d’Espagne de percevoir un impôt sur les biens du clergé pour faire la guerre aux infidèles. Il y avait un conseil particulier de la cruzade, dont le président portait le nom de commissaire de la cruzade.