Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/84

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compagnie ; qu’il lui en avoit vanté les privilèges certains pour le salut, les indulgences plénières qui y sont attachées ; qu’il l’avoit persuadé que quelques crimes qu’on eût commis, et dans quelque difficulté qu’on se trouvât de les réparer, cette profession secrète lavoit tout, et assuroit infailliblement le salut, pourvu qu’on fût fidèle à ses vœux ; que le général de la compagnie fut admis du consentement du roi dans le secret ; que le roi en fit les vœux entre les mains du P. Tellier ; que dans les derniers jours de sa vie on les entendit tous deux, l’un fortifier, l’autre s’appuyer sur ces promesses ; qu’enfin le roi reçut de lui la dernière bénédiction de la compagnie comme un des religieux ; qu’il lui fit prononcer des formules de prières qui n’en laissoient point douter, et qu’on entendit en partie, et qu’il lui en avoit donné l’habit ou le signe presque imperceptible, comme une autre sorte de scapulaire, qui fut trouvé sur lui. Enfin la plupart de ce qui approcha de plus près demeurèrent persuadés que cette pénitence faite aux dépens d’autrui, des huguenots, des jansénistes, des ennemis des jésuites, ou de ceux qui ne leur furent pas abandonnés, des défenseurs des droits des rois et des nations, des canons et de la hiérarchie contre la tyrannie et les prétentions ultramontaines, cet attachement pharisaïque à l’extérieur de la loi et à l’écorce de la religion, ont formé cette sécurité si surprenante dans ces terribles moments où disparaît si ordinairement celle qui, fondée sur l’innocence et la pénitence fidèle, semble le plus solidement devoir rassurer : droits terribles de l’art de tromper qui remplissent toutes les conditions de jésuites inconnus, dont l’ignorance les sert à tous les usages importants qu’ils en savent tirer dans la persuasion d’un salut certain sans repentir, sans réparation, sans pénitence de quelque vie qu’on ait menée, et d’une abominable doctrine, qui pour des intérêts temporels abuse les pécheurs jusqu’au tombeau, et les y conduit dans une paix profonde par un chemin semé de fleurs.