Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 13.djvu/85

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Ainsi mourut un des plus grands rois de la terre entre les bras d’une indigne et ténébreuse épouse, et de ses doubles bâtards, maîtres de lui jusqu’à sa consommation pour eux, muni des sacrements de l’Église de la main du fils de son autre bien-aimée, plus que comblé des faveurs que celles de sa mère avoient valu à sa famille, et assisté uniquement par un confesseur tel qu’on a vu qu’étoit le P. Tellier. Si telle peut être la mort des saints, ce n’est pas là au moins leur assistance.

Aussi cette assistance ne fut-elle pas poussée jusqu’au bout. Maîtres du roi et de sa chambre, et n’y admettant qu’eux et ce peu de dévoués qui leur étoient nécessaires, leur assiduité ne se démentit point tant qu’ils en eurent besoin. Mais, le codicille fait et remis à Voysin, ils n’eurent plus rien à faire, et tout aussitôt n’eurent pas honte de se retirer. Les devoirs, désormais infructueux auprès d’un mourant dont ils avoient arraché jusqu’à l’impossible, leur devinrent en un moment trop à charge et trop fatigants pour continuer à voir un spectacle si triste et si peu utile.

On a vu combien le tendre compliment du roi à Mme de Maintenon sur l’espérance d’en être bientôt rejoint déplut à cette vieille fée, qui, non contente d’être reine, vouloit apparemment être encore immortelle. On a vu que, dès le mercredi, c’est-à-dire quatre jours avant la mort du roi, elle l’abandonna pour toujours, que le roi s’en aperçut avec tant de peine qu’il la redemanda sans cesse, ce qui la força de revenir de Saint-Cyr, et qu’elle n’eut pas la patience d’attendre sa fin pour y retourner, et n’en plus revenir.

Bissy et Rohan, contents d’avoir paré ce grand coup du retour du cardinal de Noailles, ne s’incommodèrent plus d’aucune assiduité, jusque-là que Rohan laissa le roi sans messe, et que, sans Charost, comme on l’a vu, il n’en eût plus été question, quoique le roi fût en pleine connoissance et qu’il dît qu’il désiroit l’entendre quand on le lui proposa,