Aller au contenu

Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/106

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et sa politique, ne peut se contenir là-dessus dans l’espèce de gazette qu’il a laissée, dont on parlera ailleurs. Il n’avoit jamais été de rien ; mais son commerce et sa société à la cour du feu roi n’étoit qu’avec tout ce qui étoit le plus contraire à M. le duc d’Orléans. C’étoit plaire alors, et le bon air. Son attachement servile à Mme de Maintenon, et à tout ce qu’elle aimoit, celui de Mme de Mailly à cette tante, leur avoient fait épouser ses passions, desquelles après ils ne purent se défaire.

La fête de la Toussaint fit du bruit et des querelles. Le roi entend ce jour-là une grand’messe pontificale, vêpres et le sermon l’après-dînée. Celui qui le fait prêche l’Avent devant le roi, et c’est le grand aumônier qui nomme de droit les prédicateurs de la chapelle. Le cardinal de Rohan, qui n’ignoroit ni ne pouvoit ignorer l’interdiction des jésuites, en voulut nommer un, mais dont le nom pût soutenir l’entreprise. Il choisit le P. de La Ferté, frère du feu duc de La Ferté, dont la veuve étoit sœur de la duchesse de Ventadour ; et le P. de La Ferté accepta sur la parole du cardinal de Rohan, sans voir ni faire rien dire au cardinal de Noailles. Ce cardinal apprit cette nouvelle aux derniers jours d’octobre, qui jusqu’alors avoit été tenue fort secrète. Il n’eut pas peine à comprendre que cette affectation de nommer un jésuite ne pouvoit avoir d’objet qu’une insulte, tant à sa personne qu’à sa qualité de diocésain. Rien n’étoit plus aisé que de la rendre inutile. Il avoit interdit les jésuites ; il n’y avoit qu’à faire signifier au P. de La Ferté une interdiction personnelle de la messe, du confessionnal et de la chaire. Il usait de son droit qui ne pouvoit lui être contesté, comme le cardinal de Rohan avoit usé du sien, mais avec entreprise contre l’interdiction générale de l’ordinaire [1], au lieu qu’il n’y auroit

  1. Ce mot est en abrégé dans le manuscrit, et les anciens éditeurs ont lu l’ordre ; il s’agit ici de l’interdiction prononcée par l’évêque diocésain, qu’on appelait l’ordinaire.