Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/149

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Suède n’étoient pas en état d’effrayer les Anglois. Il falloit leur montrer quelque autre puissance. Ainsi Stairs, à qui ces nouvelles ne coûtoient rien à inventer, répondit que l’empereur, très irrité du traité, écouteroit les propositions du Prétendant pour se venger du roi d’Angleterre. Le roi de Prusse se plaignoit du roi Georges son beau-père, qui méprisoit sa légèreté. Gyllembourg pressoit toujours Spaar et Goertz d’informer de leurs résolutions le roi leur maître. Mais Goertz le secondoit mal. Sa fidélité étoit suspecte, et la manière dont il avoit déjà servi d’autres puissances favorisoit les soupçons. L’Angleterre, malgré ses agitations domestiques, étoit considérée comme ayant beaucoup de part aux affaires générales de l’Europe. Le roi de Sicile si attentif à ses intérêts recherchoit son amitié et son alliance. Il envoya le baron de Schulembourg qui servoit dans ses troupes, et neveu de celui qui venoit de défendre Corfou dont les Turcs avoient [levé] le siège, trouver le roi d’Angleterre à Hanovre sitôt qu’il y fut arrivé. On sut, après quelque temps de secret, que c’étoit pour traiter le mariage d’une fille de ce prince avec le prince de Piémont, mais que le roi d’Angleterre, qui ménageoit infiniment l’empereur, n’avoit pas voulu écouter une proposition qu’il savoit lui devoir être fort désagréable. Le roi de Sicile vivoit dans une grande inquiétude des dispositions de l’empereur à son égard. L’Italie étoit remplie d’Allemands qui pouvoient l’attaquer à tous moments. La paix de Hongrie pouvoit changer la face des affaires, il se trouvoit sans alliés, et quoique la France fût garante de la paix d’Utrecht, il n’en espéroit point de secours, parce qu’il croyoit le régent, son beau-frère, trop sage pour faire la guerre uniquement pour autrui.

Bentivoglio qui, pour avancer sa promotion et l’autorité romaine, ne cessoit d’exciter Rome aux plus violents partis, et de tâcher lui-même à mettre la France en feu par ses intrigues continuelles, chercha d’ailleurs à lui susciter des ennemis. Il vit chez lui Hohendorff. Ils s’expliquèrent confidemment