Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/154

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que ne les finissant pas, l’armement devenoit impossible ; il s’étendoit surtout ce qu’il avoit à souffrir de la part du roi et de la reine, qui le regardoient comme un agent de Rome, qui lui en reprochoient les lenteurs avec tant de sévérité, qu’il prévoyoit qu’ils lui défendroient bientôt de s’en plus mêler, comme ils avoient fait au P. Daubenton ; et là-dessus représentations et menaces, tous les ordinaires avec toutes les souplesses du confesseur pour les faire valoir. Ils avoient affaire à une cour où l’artifice est aisément démêlé. Le pape, mal prévenu pour Albéroni, se défia que son chapeau étant accordé, il seroit fertile en expédients pour éluder les promesses faites en vue de l’obtenir, et résolut de ne le donner que lorsque les affaires d’Espagne seroient entièrement terminées. Albéroni, qui pensoit le même du pape, déclaroit qu’elles le seroient à son entière satisfaction dans le moment même qu’il recevroit la nouvelle de sa promotion, et n’avoit garde de les finir auparavant, dans la défiance d’en être la dupe. Ce manège de réciproque défiance dura ainsi assez longtemps entre eux.

Le régent se plaignoit fort d’Albéroni ; il avoit même laissé entendre plusieurs fois au duc de Parme qu’il ne seroit pas fâché qu’il fît là-dessus quelques démarches auprès de la reine ; mais un duc de Parme se tenoit heureux et honoré qu’un de ses ministres gouvernât l’Espagne ainsi il s’étoit réduit à avertir Albéroni de bien servir l’Espagne sans donner à la France des sujets de se plaindre de lui. Les instances du régent redoublèrent : elles firent dire au duc de Parme qu’elles approchoient de la violence, mais sans rien obtenir de lui qui ne vouloit point de changement dans le gouvernement d’Espagne. Il eut seulement plus de curiosité de savoir par Albéroni même ce qu’il pensoit et pouvoit pénétrer de plus particulier sur la personne, les vues, et ce qu’il appeloit les manèges de M. le duc d’Orléans ; mais, persuadé au reste que, quoi que ce prince pût penser et faire, le véritable intérêt du roi d’Espagne étoit de demeurer