Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/204

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la suite le roi le meubleroit à son gré. Il y avoit quelques beaux meubles, mais comme tous les logements et tous les lits des courtisans, officiers, grands et petits, garde-robes, etc., étoient meublés des meubles, draps, linges, etc., du roi, c’étoit une immensité, dont la vente fut médiocre par la faveur et le pillage, et dont le remplacement a coûté depuis des millions. Je ne le sus qu’après que la vente fut commencée, dont acheta qui voulut à très bas prix ; ainsi je ne pus empêcher cette très dommageable vilenie.

Parmi une telle prodigalité de grâces, je crus en pouvoir demander une, qui durant le dernier règne avoit [été] si rare et si utile, et par conséquent si chère ce fut les grandes entrées chez le roi, et je les obtins aussitôt. Puisque l’occasion s’en offre, il est bon d’expliquer ce que sont les différentes sortes d’entrées, ce qu’elles étoient du temps du feu roi, et ce qu’elles sont devenues depuis. Les plus précieuses sont les grandes, c’est-à-dire d’entrer de droit dans tous les lieux retirés des appartements du roi, et à toutes les heures où le grand chambellan et les premiers gentilshommes de la chambre entrent. J’en ai fait remarquer ailleurs l’importance sous un roi qui accordoit si malaisément des audiences, et qui étoient toujours remarquées, à qui, avec ces entrées, on parloit tête-à-tête, toutes les fois qu’on le vouloit, sans le lui demander, et sans que cela fût su de tout le monde ; sans compter la familiarité que procuroit avec lui la liberté de le voir en ces heures particulières. Mais elles étoient réglées par l’usage ; et elles ne permettoient point d’entrer à d’autres heures qu’en celles qui étoient destinées pour elles. Depuis que je suis arrivé à la cour jusqu’à la mort du roi, je ne les ai vues qu’à M. de Lauzun, à qui le roi les rendit lorsqu’il amena la reine d’Angleterre et qu’il lui permit de revenir à la cour, et à M. de La Feuillade le père. Les maréchaux de Boufflers et de Villars les eurent longtemps après, par les occasions qui ont été ici marquées en leur temps. C’étoient les seuls qui