Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/217

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de l’ordre et gouverneur de Sarrelouis. Il avoit outre cela douze mille livres de pension. À cette conduite on peut juger qu’il ne s’étoit jamais donné la peine de s’approcher de M. le duc d’Orléans. Pendant le dernier Marly du roi nous fûmes surpris, Mme de Saint-Simon et moi, de le voir entrer dans sa chambre. Jamais il ne nous avoit parlé. Il y revint trois ou quatre fois de suite avec un air aisé. J’entendis bien, et elle aussi, à quoi nous devions cet honneur. Nous le reçûmes honnêtement, mais de façon qu’il sentît que nous ne serions pas ses dupes. Nous ne le revîmes plus depuis. Il n’étoit point marié, et ne fut regretté de personne. Son neveu eut son régiment royal-italien, qui valoit beaucoup, et Madame fit donner le gouvernement de Sarrelouis au prince de Talmont.

Enfin, quelques jours avant la semaine sainte, le chancelier alla le matin à la chambre de justice la remercier et la finir. Elle avoit duré un an et quelques jours, et coûta onze cent mille francs. Lamoignon s’y déshonora pleinement, et Portail y acquit tout l’honneur possible. Cette chambre fit beaucoup de mal et ne produisit aucun bien. Le mal fut les friponneries insignes, les recelés, les fuites, et le total discrédit des gens d’affaires à quoi elle donna lieu ; le peu ou point de bien par la prodigalité des remises qui furent faites sur les taxes, et les pernicieux manèges pour les obtenir. Je ne puis m’empêcher de répéter que je voulois, comme on l’a vu en son lieu, qu’on fît en secret ces taxes par estime fort au-dessous de ce à quoi elles pouvoient monter ; les signifier aux taxes en secret, les uns après les autres ; les leur faire payer à l’insu de tout le monde et à l’insu les uns des autres, mais en tenir des registres bien sûrs et bien exacts ; leur faire croire que, par considération pour eux, on ne vouloit pas les peiner, encore moins les décrier, en leur faisant des taxes publiques ; mais qu’il falloit aussi que, en conservant leur honneur et leur crédit, le roi fût aidé. Par cette voie, on le leur auroit laissé tout