Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/224

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et que l’esprit du parti fût encore le même. Ses adversaires, ravis de les voir divisés, demeuroient spectateurs tranquilles des scènes qui se préparoient à l’ouverture, et pendant les séances du parlement, et dressoient cependant leurs batteries pour déconcerter celles de la cour qui vouloit conserver ses troupes dans la paix la plus profonde, que les torys vouloient faire réformer comme contraires à la liberté de l’Angleterre et fort à charge par la dépense. Ces dispositions achevoient de persuader Georges de l’utilité de son traité avec la France, et de la nécessité de cultiver et de fortifier tant qu’il pourroit cette alliance. Stairs eut ordre de dire que son maître la regardoit comme un prélude à des affaires bien plus importantes et bien plus étendues. Stairs eut ordre aussi d’observer infiniment les démarches du baron de Goertz, qui étoit alors à Paris, que le roi d’Angleterre regardoit comme un de ses plus grands ennemis, dont il commençoit à découvrir les intrigues et celles des autres ministres de Suède.

Gyllembourg, envoyé de Suède en Angleterre, qui voyoit de près le mécontentement et les mouvements qui y étoient, persuadé qu’il étoit de l’intérêt de son maître de profiter de ces divisions, suivit avec chaleur les projets qu’il avoit formés pour exciter des troubles en Angleterre, et procurer par là une diversion, la plus favorable que le roi de Suède pût espérer. Il négocioit donc en même temps deux affaires, dont la première, qu’il ne cachoit point, pouvoit contribuer au succès de l’autre, qui devoit être secrète. La première étoit un traité qu’il vouloit faire avec des négociants anglois, pour leur faire porter des blés en Suède et y prendre du fer en échange. Il communiquoit cette affaire à Goertz, et tout ce qu’il faisoit aussi pour la seconde, qui étoient les mesures qu’il prenoit avec les jacobites ; mais il craignoit, pour le secret d’une affaire si importante, la pénétration de la Hollande, où on savoit jusqu’aux moindres démarches des ministres étrangers. Il étoit averti par ses amis des mesures