Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/226

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endroit il feroit payer le reste de la somme que les amis étoient fort inquiets du bruit qui couroit de la mésintelligence entre le baron Spaar et Goertz, et qu’ils avoient appris avec plaisir que Gyllembourg devoit passer en Hollande pour conférer avec Goertz. Le compte de ce qui avoit été payé montoit lors à vingt-cinq mille pièces. Gyllembourg en demanda dix mille avant son départ, et une lettre du frère du médecin du czar, pour s’en servir en cas de besoin. On lui promit une bonne somme lorsqu’il passeroit en Hollande ; mais Gyllembourg et ceux de l’entreprise étoient également inquiets de l’ordre reçu de remettre l’argent à la reine d’Angleterre en France, au lieu de le remettre à Gyllembourg ; suivant le premier plan, et de tirer une quittance signée de lui. Ils craignoient surtout la France, et l’étroite intelligence qui étoit entre le roi d’Angleterre et le régent, qui lui donneroit non seulement tous les secours promis dans les cas stipulés, mais tous les avis de tout ce qu’il pourroit découvrir pour sa conservation sur le trône.

Bentivoglio, toujours porté au pis sur le régent, et à tout brouiller en France, prétendoit que la fin secrète du traité avec l’Angleterre étoit de former et fortifier en Allemagne le parti protestant contre le parti catholique, et qu’il ne s’agissoit pas seulement de détruire en Angleterre la religion catholique, qu’on devoit regarder désormais comme bannie de ce royaume, mais d’enlever à la maison d’Autriche la couronne impériale, et de la mettre sur la tête d’un protestant. Il menaçoit déjà Rome de suivre le sort des catholiques de l’empire, et de devenir la proie des protestants. Après avoir ainsi intimidé le papa, il l’exhortoit à s’unir plus étroitement que jamais à l’empereur dont l’intérêt devenoit celui de la religion, et, pour avoir lui-même part à ce grand ouvrage, il entretenoit souvent le baron d’Hohendorff, fourbe plus habile que le nonce, et qui lui faisoit accroire que, touché de ses lumières, de son zèle et de ses projets, il envoyoit exactement à Vienne tous les papiers qu’il lui communiquoit.