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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/270

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à me reconnoître, mais où quelques yeux, le tête-à-tête et l’action de la conversation me décelèrent bientôt. L’Opéra ne faisoit que commencer ; nous ne fîmes que regarder un moment le spectacle en nous plaçant, qui étoit fort plein, après quoi nous n’en vîmes ni n’en ouïmes plus rien jusqu’à sa fin tant la conversation nous occupa.

D’abord M. le duc d’Orléans m’expliqua avec étendue l’embarras où il se trouvoit entre les appels dont il étoit pressé par le parlement qui le vouloit faire, plusieurs évêques et tout le second ordre de Paris, à l’exemple de la Sorbonne et de plusieurs corps réguliers et séculiers entiers. Je l’écoutai sans l’interrompre, puis je me mis à raisonner. Peu après que j’eus commencé, il m’interrompit pour me faire remarquer que le grand nombre étoit pour la constitution, et le petit pour les appels ; que la constitution avoit le pape, la plupart des évêques, les jésuites, tous les séminaires de Saint-Sulpice et de Saint-Lazare, par conséquent une infinité de confesseurs, de curés de vicaires répandus dans les villes et les campagnes du royaume qui y entraînoient les peuples par conscience, tous les capucins et quelque petit nombre d’autres religieux mendiants ; et que telle chose pouvoit arriver en France où tous ces constitutionnaires se joindroient au roi d’Espagne contre lui, et par le nombre seroient les plus forts, ainsi que par l’intrigue et par Rome, et de là se jeta dans un grand raisonnement. Je l’écoutai encore sans l’interrompre, et je le priai après de m’entendre à son tour. Je commençai par lui dire qu’avec lui il ne falloit pas raisonner par motif de religion ni de bonté de la cause de part ni d’autre ; que je ne pouvois pourtant m’empêcher de lui dire combien il étoit étrange de traiter une affaire de doctrine et de religion, poussée jusqu’à vouloir faire passer en article, au moins en règle de foi, qui en expression plus douce n’est que synonyme à l’autre, tant de si étranges points, et trouvés d’abord si étranges en effet par ceux-là mêmes qui en sont devenus les athlètes ; de traiter,