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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/301

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dont on les abusoit, ils demeuroient muets et honteux. Quand on leur faisoit sentir que les ducs ne pouvoient pas n’être point du corps de la noblesse, et qu’il [était] absurde de les accuser de n’en vouloir pas être, et impossible de les en exclure, parce que, n’y ayant que trois ordres dans l’État, il falloit bien qu’ils fussent de l’un des trois par leur naissance et leur dignité française, et qu’ils ne pouvoient pas être du premier ni du troisième, quelques-uns sembloient se rendre ; mais la plupart, ne sachant que répondre à ce dilemme, se mettoient en fureur. En un mot, ils ne savoient que dire, ils y suppléoient par crier et parler à tort et à travers.

L’affaire n’étoit pas assez mûre ni assez préparée pour aller plus loin. On y travailloit sans relâche, on cabaloit les provinces pour en attirer des députations en y soufflant le même feu ; et, pour l’entretenir et l’augmenter à Paris, on prépara un mémoire contre le rang et les honneurs des ducs et des duchesses. Ce n’étoit pas que les moteur de cette requête en imaginassent aucun succès, mais il falloit tenir cette noblesse ensemble et en mouvement, se l’attacher de plus en plus, l’encourager à des tentatives hardies, la piquer par lui faire recevoir des refus, et pour cela lui donner de la pâture par des prétentions absurdes qui flattassent leur vanité. Quand ce mémoire fut prêt, et qu’il fut question de le présenter, les directeurs jugèrent à propos de se servir de ce qui étoit sous leur main pour augmenter le nom et le nombre. Le grand prieur étoit intéressé pour ses propres entreprises de n’en pas voir tomber les fondements, et les princes du sang pressoient le régent sans relâche de leur tenir parole et de les juger ; le premier président, le plus envenimé de tous contre les ducs par les perfidies qu’il leur avoit faites dans l’affaire du bonnet, publiquement déshonoré, par l’amas de scélératesses qu’il y avoit commises, et que les ducs avoient exposées fidèlement au plus grand jour, esclave d’ailleurs de M. et de Mme du Maine, disposoit