Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/320

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presser de juger leur différend avec les bâtards, et à la fin il dit à M. le Duc qu’il les jugeroit incessamment ; mais qu’il vouloit prendre avis de beaucoup de personnes, dont il choisiroit plusieurs dans les différents conseils. Cela fut su, et la duchesse du Maine alla se plaindre au régent qu’il vouloit faire juger cette affaire par des gens qui ne savoient point assez les lois du royaume.

On ne peut qu’admirer que des doubles adultérins osent invoquer des lois pour se maintenir dans une disposition sans exemple, faite directement contre toutes les lois divines et humaines, contre l’honneur des familles, contre le repos et la sûreté de la maison régnante, et de toute société. Cette remontrance ne réussit pas, encore moins la résolution prise par M. et Mme du Maine de ne reconnoître d’autres juges que le roi majeur, ou les états généraux du royaume ; ils avoient bien leurs raisons pour cela. L’éloignement de la majorité donnoit du temps à leurs complots ; et, avec ce parti qui se formoit et s’organisoit de jour en jour, ils espéroient tout d’une assemblée qu’ils comptoient bien parvenir à faire ressembler à celle que la mort du duc et du cardinal de Guise déconcerta et dissipa. Mais M. du Maine n’étoit en rien un Guise, sinon par l’excès de l’ambition. M. le duc d’Orléans, poussé par les princes du sang, sentit enfin quelle atteinte donneroit à son autorité de régent la résolution du duc du Maine, si elle étoit soufferte, et quel exemple ce seroit s’il différoit ce jugement. M. et Mme du Maine, qui, par d’Effiat et par d’autres, savoient jour par jour ce que M. le duc d’Orléans pensoit sur leur affaire, comptèrent tellement sur son irrésolution, sa facilité, sa faiblesse, qu’ils ne doutèrent pas de hasarder une résolution si hardie, et qui comme leur affaire même étoit si opposée à toute règle et à toute loi. Ils s’y méprirent, et ce fut ce qui précipita leur jugement. Deux jours après la visite de Mme la duchesse du Maine au Palais-Royal, il fut rendu un arrêt au conseil de régence, où aucuns princes du sang, bâtards ni