Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/442

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quelque chose par le leurre de son ancienne connoissance avec Stanhope. De là il s’étoit fait envoyer en Hollande le voir à son passage, puis à Hanovre ; enfin il avoit fait les traités qu’on a vus, et s’en étoit fait conseiller d’État, puis fourré dans le conseil des affaires étrangères. Il avoit été, puis [était] retourné en Angleterre. Les Anglois qui voyoient son ambition et son crédit, le servoient à son gré pour en tirer au leur. Son but étoit de se servir du crédit du roi d’Angleterre sur l’empereur qui étoit grand et de sa liaison alors intime et personnelle, pour se faire cardinal par l’autorité de l’empereur qui pouvoit tout à Rome, et qui faisoit trembler le pape.

Cette riante perspective nous tint enchaînés à l’Angleterre avec la dernière servitude, qui ne permit rien au régent qu’avec sa permission, que Georges étoit bien éloigné d’accorder à la liaison avec le czar, tant à cause de leur haine et de leurs intérêts, que par ménagement pour l’empereur deux points si capitaux pour l’abbé Dubois que le czar se dégoûta enfin de notre surdité pour lui, et de notre indifférence qui alla jusqu’à ne lui envoyer ni Verton, ni personne de la part du roi.

On a eu lieu depuis d’un long repentir des funestes charmes de l’Angleterre, et du fol mépris que nous avons fait de la Russie. Les malheurs n’en ont pas cessé par un aveugle enchaînement, et on n’a enfin ouvert les yeux que pour en sentir mieux l’irréparable ruine scellée par le ministère de M. le Duc, et par celui du cardinal Fleury ensuite, également empoisonnés de l’Angleterre, l’un par l’énorme argent qu’en tira sa maîtresse après le cardinal Dubois, l’autre par l’infatuation la plus imbécile.