Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/447

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à l’Espagne si on ne régloit, comme un préliminaire, le point de la sûreté de l’Italie, dont il pouvoit se rendre maître en vingt-quatre heures, et que l’Angleterre, ayant inutilement versé tant de sang et d’argent pour soutenir la dernière guerre, ne devoit rien oublier pour que les engagements qu’elle prendroit pour assurer le repos de l’Europe eussent un effet certain. Mais il voulut que Beretti écrivît en ce sens, comme de lui-même et sans ordre, seulement comme très sûrement informé de l’intention de l’Espagne de maintenir l’équilibre de l’Europe.

Elle n’y pouvoit être selon lui, quelque précaution qu’on pût prendre contre les changements des temps et des conjonctures, tant que l’empereur posséderoit des États en Italie, surtout une place comme Mantoue. Il ne regardoit plus que comme des dispositions trop éloignées et trop casuelles pour y faire une attention sérieuse, l’offre du roi d’Angleterre d’obliger l’empereur de promettre aux enfants de la reine d’Espagne les successions de Parme et de Toscane, à faute d’enfants de ces deux maisons. Il prétendoit que Stanhope, qu’il avoit vu en Espagne, étoit fin et adroit. Il croyoit voir de l’artifice dans ses lettres. Pour le fixer il vouloit un engagement positif des Anglois d’obliger l’empereur à sortir d’Italie, et de Parme surtout. On ne peut s’empêcher d’admirer ici qu’un premier ministre d’Espagne, quelque peu habile qu’il pût être dans la connoissance des affaires, pût imaginer possible une pareille vision.

Il ne laissoit pas de prévoir que Stanhope se retrancheroit sur le traité d’Utrecht, auquel cette demande seroit une infraction, [traité] confirmé depuis par la ligue nouvellement faite entre la France, l’Angleterre et la Hollande. Mais cela n’arrêtoit point Albéroni qui, sans l’engagement qu’il désiroit, ne voyoit point d’utilité pour l’Espagne à traiter avec l’empereur, parce que des affaires d’Italie dépendoit, selon lui, l’équilibre de l’Europe, qui ne pouvoit jamais subsister tant qu’il y auroit un Allemand en Italie. Cela