Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/462

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cardinal de Retz, et n’avoir pu châtier les forfaits du cardinal de Bouillon ni l’éclat de sa désobéissance. Les avantages et les inconvénients d’avoir des cardinaux françois ne se peuvent donc pas balancer. À l’égard des prétentions de Rome, on ne peut compter sur les cardinaux françois. On sent encore les suites des manèges et de la séditieuse harangue du cardinal du Perron, en 1614, aux derniers états généraux qui se soient tenus. Si nos rois ne souffroient jamais de cardinaux en France, ils éviteroient ces funestes inconvénients et celui encore d’un attachement à Rome contre leurs intérêts de tous ceux qui se figurent arriver à la pourpre, et de quelques-uns qui y sont élevés malgré eux, comme le, fut le cardinal Le Camus, malgré le feu roi, et le cardinal de Mailly malgré le roi d’aujourd’hui et le régent, à force de cabales, de sédition, de rage dans l’affaire de la constitution. En donnant la nomination à des sujets italiens bien choisis, ils auroient à Rome des cardinaux permanents, à eux, informés et au fait de tout sans cesse, qui, par eux, par leurs amis et leur famille, seroient continuellement utiles et infiniment dans les conclaves, et dont trois ou quatre seroient plus que contents à eux tous des bénéfices qui ne suffisent pas à un seul cardinal françois. L’espérance du cardinalat ne débaucheroit plus d’évêques contre les libertés de l’Église gallicane et contre l’autorité et la souveraineté temporelle de nos rois, et leur procureroit, au contraire, les services et l’attachement des plus considérables maisons et particuliers de Rome et de toute l’Italie, dont l’utilité se reconnoîtroit tous les jours. C’en est assez sur cet important article, dont l’évidence saute aux yeux.

Plusieurs cardinaux se flattoient d’avoir depuis peu détourné le pape de déshonorer leur collège en y mettant un si étrange sujet. Albéroni le savoit, et il reconnut qu’il n’étoit pas de son intérêt de porter trop loin le ressentiment du roi et de la reine, parce que, si le nouveau différend qu’il produiroit duroit trop longtemps, il en seroit la victime,