Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/68

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lui disant que Stanhope lui offroit par sa lettre de traiter, et qu’il l’avoit offert verbalement à Monteléon. C’étoit le matin qu’ils conféroient ; le soir du même jour Giudice eut ordre de se retirer absolument d’auprès du prince des Asturies ; et le premier ministre, satisfoit du dernier coup porté à ce cardinal par les Anglois, avertit Bubb que le roi d’Espagne étoit disposé à signer une alliance défensive avec le roi de la Grande-Bretagne. Quelque désir qu’en eût ce secrétaire, il se trouvoit arrêté faute d’instruction et de pouvoir ; mais Albéroni, plus pressé que lui encore, répondit sur sa question de la nature du traité pour en écrire : telle alliance défensive qu’il plaira au roi d’Angleterre. Enfin il lui dit qu’il écriroit lui-même à Stanhope, et promit à Bubb qu’eux deux seuls en Espagne auroient la connoissance de cette négociation, et que Monteléon n’en seroit point instruit. Il ajouta que ce seroit au roi d’Angleterre à choisir ceux de ses ministres qu’il voudroit admettre dans la confidence de ce secret. Albéroni compta bien intéresser par là ce secrétaire. Tout ministre employé dans une cour met sa gloire à y faire des traités, et son dégoût à se voir enlever une négociation qu’il a entamée. Celui-ci écrivit tout de son mieux pour qu’on lui envoyât instruction et pouvoirs, et n’oublia rien de ce qu’il put représenter de flatteur pour le roi d’Angleterre, tant sur les avantages du commerce que sur la médiation qui lui pouvoit résulter un jour entre l’empereur et l’Espagne sur les affaires d’Italie, et se faire considérer par ces deux puissances. Il pressa l’envoi de ce qu’il demandoit au nom du ministre seul confident de Leurs Majestés Catholiques, et envoya la lettre d’Albéroni avec cette dépêche par le même courrier extraordinaire qui lui avoit apporté celles dont on vient de parler.

Dans cette situation agréable, Bubb ne laissoit pas d’être mal à son aise. Il se défioit des Espagnols et des François, beaucoup plus encore des Hollandois. Ceux-ci se faisoient un mérite de leur refus d’entrer dans le traité de l’empereur et de l’Angleterre,