Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/79

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avis et impostures les plus circonstanciées, pour les faire mieux passer, que Stairs n’écrivît sans cesse aux ministres d’Angleterre, piqué de ce que la négociation lui avoit été enlevée par ces mêmes ministres qui connoissoient son mauvais esprit et son venin contre la France, quoique ses protecteurs. Toutefois il faut dire que le triste état du Prétendant promettoit une prompte fin de la fermentation de son parti, en Angleterre, que la victoire complète que le prince Eugène avoit remportée sur les Turcs à l’ouverture de la campagne faisoit regarder cette guerre comme devant être de peu de durée ; que l’empire accoutumé au joug de la maison d’Autriche, y étoit plus soumis que jamais ; et que la France avoit à prendre garde de voir renaître la guerre par les intérêts de l’empereur sur l’Italie ; et ceux de l’Angleterre sur le commerce, ennemie née de la France, lorsque ces monarques se trouveroient libres de toute crainte chez eux.

Le roi de Prusse, attentif à s’agrandir, mais léger, inconstant et timide, n’avoit osé remuer sur Juliers à la mort de l’électeur palatin. Il disoit qu’il n’y troubleroit point la branche de Neubourg tant qu’elle subsisteroit ; mais il fit sonder le régent sur ce qu’il feroit en cas qu’elle vint à s’éteindre, et s’il souffriroit que l’empereur en ce cas, suivant la résolution qu’il assuroit en être prise, s’emparât de ce duché. En mémé temps il faisoit faire à Vienne les plus fortes protestations d’attachement aux intérêts de l’empereur, et y niait formellement qu’il eût aucune négociation avec la France. Cette conduite lui sembloit d’un grand politique. Il se brouilloit et se raccommodoit souvent avec ses alliés, avec le czar, avec le roi d’Angleterre son beau-père, et fut longtemps à se déterminer s’il l’irait voir à Hanovre. Il regardoit la France comme prête à souffrir de grandes divisions par celles des princes du sang et bâtards, des pairs et du parlement, surtout par l’affaire de la constitution. Cette idée l’enhardit à s’attirer encore un plus grand nombre