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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 14.djvu/98

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traité, parce qu’il avoit été tiré de ses mains pour être porté à la Haye puis à Hanovre entre Stanhope et l’abbé Dubois, et parce qu’il baissoit la France. Hohendorff lui disoit continuellement que le régent tromperoit les Anglois, et que le Prétendant ne sortiroit point d’Avignon. On excitoit d’un autre côté la Suède, à qui on persuadoit faussement que la France sacrifieroit ses intérêts au roi d’Angleterre, et lui garantiroit la possession de Brème et de Verden qu’il lui avoit usurpés, tellement que l’ambassadeur de Suède, qui, de tout temps, étoit attaché à la France, en prit des impressions qui lui firent tenir des discours peu mesurés. Les affaires du roi son maître prenoient une face plus riante. Ses ennemis avoient assemblé de grandes forces pour faire une descente dans la province de Schonen, et envahir après la Suède : le czar étoit à Copenhague en dessein de passer la mer, et de commander cette expédition. Il s’y brouilla avec le roi de Danemark, au point que l’entreprise fut différée au printemps, les troupes renvoyées et les dépenses inutiles, qui avoient été fort à charge au Danemark ; le roi de Suède n’en put profiter. Il avoit des troupes, mais ni argent ni marine : il voulut acheter quelques vaisseaux en France et en Hollande, où étoit pour lors le baron de Goertz qui étoit chargé de ses finances, et qu’il y avoit envoyé. Il lui dépêcha donc un officier, et un autre au baron Spaar, son ambassadeur en France pour cet achat. Il envoya par cette voie ordre à Spaar de cultiver les bannes dispositions de la France, de lui persuader qu’il vouloit la paix, et de presser le payement des subsides qu’elle lui donnoit. Il n’osoit même avec ses ministres s’expliquer qu’en termes généraux sur ses desseins secrets, tant les bruits dont on vient de parler lui faisoient craindre un trop entier engagement de la France avec l’Angleterre.

Quelque désir qu’eût l’Espagne de prendre avec cette dernière couronne des liaisons particulières, Albéroni ne vouloit faire avec elle de traité que totalement séparé et détaché