Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/117

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les puissances les plus éloignées à s’unir pour donner des bornes à celle de l’empereur, persuadé que, si le succès étoit heureux, la gloire et l’avantage en demeureroient à l’Espagne, sinon qu’elle ne recevroit aucun préjudice d’avoir fait une tentative inutile. De là, il disoit que l’Espagne se contenteroit pour cette année de ce qu’elle n’avoit pu refuser à son honneur blessé, donneroit le temps de l’hiver aux puissances de l’Europe de chercher à mettre l’Italie à couvert ; que si cela n’étoit pas, au printemps il y allumeroit un incendie, qu’elles seroient forcées d’y accourir, et de le venir éteindre. Il s’emportoit ensuite contre chacune d’elles, surtout contre l’Angleterre, en plaintes, en reproches, en menaces.

Ainsi, il s’avouoit partout l’auteur de la guerre, excepté à Rome, où il vouloit persuader au pape qu’il verroit clair quelque jour à tout ce qu’il avoit fait pour empêcher le mal ; lui promettoit de susciter tant d’embarras au second convoi qu’il l’empêcheroit de partir de Barcelone (d’où en effet il ne pouvoit ni ne vouloit le faire partir) ; proposoit, comme un expédient glorieux au pape, d’offrir sa médiation ; faisoit l’embarrassé de parler au roi d’Espagne contre son goût et sa volonté ; se faisoit valoir de s’occuper et de chercher à en saisir les moments favorables, comme si tout n’eût pas dépendu de lui uniquement, comme il l’avoit tant de fois fait dire au pape par toutes sortes de voies, lorsqu’il s’agissoit de presser sa promotion, comme il étoit vrai aussi, et comme personne n’en doutoit en Europe. Il donnoit pour témoins de sa conduite contraire à cette entreprise le P. Daubenton et le nonce Aldovrandi, tous deux en esclavage sous lui pour conserver leurs postes, qui répétoient ce qu’il leur dictoit, jusqu’aux particularités les plus imaginaires, pour prouver que le conseil d’État l’avoit emporté sur lui, ce conseil qu’il avoit anéanti, et de la destruction duquel il s’étoit vanté à Rome et dans les autres cours. En un mot, selon eux., la capture de Molinez avoit tellement irrité le roi et le