Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/252

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enfin, par l’écho d’un gros de valets et de bas courtisans qui vouloient plaire à la mode ou qui connoissoient la faiblesse de leur maître. Ce prince, dont la confiance en moi n’étoit point refroidie, étoit pourtant en garde contre moi sur tout ce qui regardoit le duc de Noailles, d’Effiat, le premier président et le parlement et comme je m’en étois bien aperçu depuis longtemps et que cette prévention rendroit tous mes conseils à ces égards inutiles, depuis longtemps aussi j’évitois avec grand soin de lui en jamais rien dire, et si quelquefois il m’en parloit, je répondois vaguement, courtement, avec une transition prompte et affectée à d’autres choses.

La pièce principale pour l’exécution pourpensée et projetée de toute cette cabale, étoit le parlement. Il le falloit remuer par les vues du bien public, l’exciter par les profusions et les mœurs du régent. Le système de Law et sa qualité d’étranger de nation et de religion furent d’un grand usage pour en imposer aux honnêtes gens du parlement et au gros de cette compagnie. La vanité de devenir les modérateurs de l’État l’aiguillonnoit tout entière. Il falloit cheminer par degrés pour accoutumer le parlement à une résistance qui aigrît le régent ou qui l’abattît, dont on pût tirer de grands avantages et se conduire peu à peu où on tendoit, sans que presque personne de ce très grand nombre qu’on pratiquoit partout sût jusqu’où on le vouloit mener, et le forcer après par la nécessité où on l’auroit poussé, des conjonctures et des engagements. L’autorité des lois et du parlement étoit un abri nécessaire à qui vouloit le plus les enfreindre. Il en falloit nécessairement rendre cette compagnie complice pour les violer impunément : tel fut le projet bien suivi et avec toute apparence du plus grand succès, mais que la Providence, protectrice des États et des rois faibles et enfants, sut confondre.

Ils trouvèrent donc qu’il étoit temps de commencer. Le parlement sema force plaintes pour préparer le public, tant