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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/309

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profit de ses finances. C’étoit donc à cette sage et savante pratique de Louvois qu’il falloit revenir, au lieu de tirer et de grappiller incessamment sur les troupes dans le faux objet de soulager les finances à leurs dépens.

Personne n’eut loisir d’aviser le régent ; il s’enivra du projet de Broglio, il n’en voulut partager l’honneur avec personne. La déclaration en parut subitement ; elle surprit tout le monde. Les plaintes des non consultés du conseil de guerre et de ceux des finances, du terrible poids ordinaire dont cette augmentation les surchargeoit, ne purent se faire entendre qu’après le coup porté de manière à ne pouvoir s’en dédire. Le régent alors sentit toute sa faute, et n’en recueillit pas la plus légère reconnoissance des troupes, qui regardèrent ce bienfoit comme dû et de nécessité.

Quand il y auroit eu de bonnes raisons pour cette pesante augmentation de dépense, si M. le duc d’Orléans m’en avoit parlé, comme il ne fit point, auparavant ni après, je crois par embarras, ni moi à lui, je lui aurois représenté que ce n’étoit pas à un régent à charger ainsi les finances fortement et pour toujours, mais à en représenter les raisons au roi, devenu non seulement majeur, mais en âge d’entendre et de se résoudre plus que ne le comporte l’âge précis de la majorité des rois, qui est encore assez longtemps mineure. Il sentit si bien l’inconvénient où il s’étoit laissé entraîner, que Broglio retomba tout à coup dans le néant dont il avoit voulu s’élancer, et fut trop heureux de trouver, par la table et l’effronterie, à se raccrocher à l’état des roués qu’il avoit voulu tâcher de laisser loin derrière lui, sans toutefois l’avoir quitté, et n’approcha plus du cabinet de M. le duc d’Orléans ni d’aucun particulier avec lui.

Ce prince mit incontinent après le maréchal de Villars dans le conseil de régence, sans quitter celui de guerre, pour le faire taire. Il étoit de mauvaise humeur de l’affaire de la liasse dont il a été parlé plus haut, et de quelques