Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/333

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secrétaires d’État et le contrôleur général des finances exerçoient sous le dernier règne, qu’il appela des vizirs, et leurs départements des vizirats, et s’espaça là-dessus avec plus de vérité que de prudence.

Dès qu’il parut, il causa un soulèvement général de tout l’ancien gouvernement et de tous ceux encore qui se flattoient d’y revenir après la régence. Les anciens courtisans du feu roi se piquèrent aux dépens d’autrui d’une reconnoissance qui ne leur coûtoit rien. Le maréchal de Villeroy se signala par un vacarme épouvantable, et de gré ou de force ameuta toute la vieille cour. Hors ceux-là personne ne se scandalisoit d’un ouvrage qui pouvoit manquer de prudence, mais qui ne manquoit en rien à la personne du feu roi, et qui n’exposoit que des vérités, dont tout ce qui vivoit alors avoit été témoin, et dont personne ne pouvoit contester l’évidence. Les académies, les autres gens de lettres, le reste du monde, s’indigna même et le montra, que ces messieurs de la vieille cour ne pussent encore souffrir la vérité et la liberté, tant ils s’étoient accoutumés à la servitude. Mais le maréchal de Villeroy fit tant de manèges, de déclamations, de tintamarre, entraîna par ses violences tant de gens à n’oser ne pas crier en écho que M. le duc d’Orléans, qui de longue main n’aimoit pas les Saint-Pierre, et à qui le maréchal de Villeroy imposoit, ne voulut pas pour eux résister à ce tumulte. L’abbé de Saint-Pierre fut donc chassé de l’Académie française malgré l’Académie, qui n’osa résister jusqu’au bout ; mais de peu de maisons, dont à la vérité il en fréquentoit peu de considérables. Le livre fut supprimé ; mais l’Académie, profitant du goût du régent, pour les mezzo-termine, obtint qu’il ne se feroit point d’élection et que la place de l’abbé de Saint-Pierre ne seroit