Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/360

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en sorte d’engager l’empereur à renoncer à l’Espagne aussi bien qu’à la succession de Toscane. Sur quoi il avoit répondu qu’un médiateur seroit inutile lorsqu’il ne s’agiroit que de telles conditions ; que le roi d’Espagne ne craignoit point d’être attaqué dans le continent de son royaume ; que, quant à la succession de Toscane, il la regardoit comme un futur contingent, persuadé que, suivant les conjonctures, toute garantie pou voit devenir inutile, dont il citoit pour exemple l’effet des garanties promises pour la Catalogne et pour Majorque. L’Anglois défendit son maître par ses engagements pris avec l’empereur. Le cardinal répondit qu’il étoit malheureux qu’il se souvînt si bien de ses engagements avec l’empereur, et qu’il eût sitôt et si aisément oublié tant de services essentiels et de preuves d’amitié qu’il avoit reçues du roi d’Espagne, dont il avoit promis une reconnoissance éternelle. Il ajouta que la nation anglaise trouveroit peut-être quelque peine à soutenir des engagements pris contre un prince dont elle recevoit continuellement tant d’avantages considérables pour son commerce, et pris en faveur d’un autre dont elle ne pouvoit que recevoir beaucoup de préjudices. Alors le ministre anglois, oubliant un peu ses ordres et son caractère, répondit, suivant le génie de sa nation, que tout bon Anglois connoissoit assez la force des engagements pris avec l’empereur, qui au fond étoient considérés comme s’ils n’existoient pas. Son but néanmoins fut toujours de persuader que rien n’étoit plus capable d’assurer le repos public que de traiter suivant le plan proposé, et de conclure une paix dont l’exécution seroit garantie par les principales puissances de l’Europe. Albéroni protestoit des désirs sincères du roi d’Espagne pour une solide paix ; qu’il ne faisoit point la guerre pour agrandir ses États, mais pour se venger des insultes des Allemands, et pour affranchir le monde, particulièrement l’Italie, de leurs violences ; que d’en chasser les Allemands, et de rendre leurs usurpations à la couronne d’Espagne, auroit à la vérité été le moyen d’assurer