Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/37

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uns au remboursement des frais aux dépens de l’intendant, et à lui faire défense de récidiver.

Quand ce fut à mon tour, j’opinai de même, mais j’ajoutai que ce n’étoit pas assez pour dédommager des gens aussi injustement et aussi maltraités ; que j’étois d’avis d’une somme à leur être adjugée, telle qu’il plairoit au conseil de la régler ; et qu’à l’égard d’un intendant qui abusoit de l’autorité de sa place au point d’usurper celle du roi pour imposer des taxes inconnues, de son chef, telles qu’il lui plaît, sur qui il lui plaît, par ses seules ordonnances, qui jette dans les cachots qui bon lui semble de son autorité privée, et qui met ainsi une province au pillage, j’étois d’avis que Son Altesse Royale fût suppliée d’en faire une telle justice qu’elle demeurât en exemple à tous les intendants.

Le chancelier, adorateur de la robe et du duc de Noailles, se jeta dans l’éloquence pour adoucir. Le comte de Toulouse et M. le Duc furent de mon avis. Ceux qui avoient opiné devant moi firent la plupart des signes que j’avois raison, mais ne reprirent point la parole. M. le duc d’Orléans prononça l’élargissement et la cassation de l’ordonnance de Courson et de tout ce qui s’en étoit suivi ; qu’à l’égard du reste, il se chargeoit de faire dédommager ces gens-là, de bien laver la tête à Courson, qui méritoit pis, mais dont le père méritoit d’être ménagé. Comme on voulut se lever, je dis qu’il seroit bon d’écrire l’arrêt tout de suite, et M. le duc d’Orléans l’approuva. Noailles se jeta sur du papier et de l’encre comme un oiseau de proie et se mit à écrire, moi à me baisser et à lire à mesure ce qu’il écrivoit. Il s’arrêta sur la cassation de l’ordonnance et la prohibition de pareille récidive sans y être autorisé par édit ou par arrêt du conseil. Je lui dictai la clause ; il regarda la compagnie, comme demandant des yeux. « Oui, lui dis-je, il a passé comme cela ; il n’y a qu’à le demander encore. » M. le duc d’Orléans dit qu’oui. Noailles écrivit. Je pris le papier et le relus ; il l’avoit écrit. Il le reprit en furie, le jeta avec les autres pêle-