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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/388

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L’ambassadeur prétendit que Nancré lui avoit dit de plus qu’on obligeroit la cour de Vienne de recevoir ce plan de gré ou de force ; mais il demeuroit persuadé que le régent auroit grand’peine à s’y résoudre, qu’il seroit mal secondé par la cour de Londres, dont il étoit souvent obligé de combattre les idées et les propositions. Le régent lui fit même valoir la fermeté de l’abbé Dubois, et dit que c’étoit pour s’en plaindre que Stanhope avoit envoyé son secrétaire, espérant le trouver plus facile que son ministre. Cellamare ne le croyoit pas. Fortifié de Monti, ses représentations ne tendoient point à modifier les conditions du traité, mais à faire voir la nécessité de prendre les armes, et de prévenir la conclusion de la paix entre l’empereur et les Turcs. Elle étoit encore éloignée. Paris, plein de raisonnements politiques, croyoit avec Cellamare qu’elle étoit aisée à détourner, en employant le crédit et les talents de Ragotzi et la force de ses partisans en Hongrie, et de leur animosité contre la maison d’Autriche. Cellamare disoit que c’étoit par des motifs de passion particulière que des Alleurs, nouvellement revenu de Constantinople, décrioit le prince Ragotzi, et que le maréchal de Tessé étoit au contraire le seul qui jugeât sainement de l’utilité d’une diversion qu’on pourroit exciter en Hongrie par le moyen des mécontents. Il flattoit ainsi les idées d’Albéroni, qui sembloit compter sur la continuation de la guerre de Hongrie, et sur le secours dont elle lui seroit pour l’exécution de ses desseins.

Comme il paraissoit encore alors que les intérêts du roi d’Espagne et ceux du roi de Sicile étoient parfaitement unis, la même union régnoit aussi entre leurs ministres à Paris. Provane disoit à Cellamare que son maître s’exposeroit aux plus grands dangers plutôt que de consentir à l’échange de la Sicile. Cellamare faisoit agir Provane, soit auprès du régent pour le disposer plus favorablement pour l’Espagne, soit auprès des ministres étrangers résidents lors à Paris, qu’il croyoit à propos de ménager. Il sut par là que l’ambassadeur