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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/39

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retomber plus à plomb sur des Forts. J’ajoute cette suite, qui excède le temps de ces Mémoires, pour achever tout de suite ce qui regarde Courson.

Le maréchal de Tallard, dont on a vu le caractère, t. IV, p. 98, avoit été mis dans le conseil de régence par le testament du feu roi. Enragé de n’être de rien, on a vu aussi qu’il se retira à la Planchette, petite maison près de Paris, criant, dans ses accès de désespoir, qu’il vouloit porter le testament du feu roi écrit sur son dos. Il mouroit de rage et d’ennui dans sa solitude, et n’y put durer longtemps. Son attachement aux Rohan, quoique servile, n’empêchoit pas qu’il n’en fût compté. Il n’en étoit pas de même du sien, de tous temps, pour le maréchal de Villeroy qui, le rencontrant même à la tête des armées, conserva toujours ses grands airs avec lui, et ne cessa en aucun temps de le traiter comme son protégé. L’autre, impatient du joug, se rebecquoit quelquefois ; mais comme l’ambition et la faveur furent toujours ses idoles, il se rendit plus que jamais le très humble esclave du maréchal de Villeroy, depuis le grand vol que Mme de Maintenon lui fit prendre après son rappel, qu’elle moyenna à la mort de Mme la duchesse de Bourgogne, lors Dauphine, et qu’il conservoit encore auprès de M. le duc d’Orléans, qui le craignoit et qui le ménageoit, jusqu’à aller sans cesse au-devant de tout ce qui lui pouvoit plaire, aussi misérablement qu’inutilement.

Villeroy prit son temps de l’issue de l’affaire des bâtards et de cette prétendue noblesse, dont on avoit su faire peur au régent, pour lui représenter la triste situation de Tallard et profiter du malaise qui troubloit encore ce prince. Le moment fut favorable ; il crut s’acquérir Villeroy et les Rohan en traitant bien Tallard. Il imagina que, tenant tous aux bâtards, et par conséquent à cette prétendue noblesse, le bon traitement fait à Tallard plairoit au public et lui ramèneroit bien des gens. Les affaires, importantes avoient déjà pris le chemin unique de son cabinet, et n’étoient