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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/397

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des principaux le péril prochain dont ce commerce seroit menacé, si le roi d’Angleterre faisoit passer, comme on le disoit, une escadre dans la Méditerranée. Il leur insinua, comme un moyen d’éviter ce danger, de presser le roi leur maître de communiquer au parlement tous les traités qu’il avoit faits, en sorte que la nation assemblée pût aviser aux moyens de ne pas rompre avec l’Espagne. L’orateur de la chambre basse, frappé de cette crainte, vit secrètement Monteléon ; il reçut de lui des instructions, et protesta que la plus grande partie de la nation s’opposeroit à toute résolution de la cour, qui tendroit à rompre avec l’Espagne.

Quelques jours après, dans une séance du parlement, on tint quelques discours sur l’escadre que le roi d’Angleterre devoit envoyer dans la Méditerranée. Deux députés des communes représentèrent que ce seroit ruiner l’Angleterre que de donner occasion à l’Espagne d’interrompre le commerce si avantageusement établi entre les deux nations. Le premier effet des diligences de Monteléon ne l’éblouit pas. Comme il connoissoit le caractère et le génie de la nation anglaise, et les passions des particuliers qui avoient le plus de crédit sur l’esprit du roi d’Angleterre, il comprit qu’il ne devoit pas compter sur les dispositions apparentes de quelques membres du parlement, parce que la cour sauroit bien les gagner si leurs suffrages étoient de quelque poids, sinon que leurs contradictions ne traverseroient pas, ses résolutions. Quant aux ministres, il étoit persuadé que ce seroit inutilement qu’il entreprendroit de faire combattre la raison contre le désir qu’ils avoient de plaire aux Allemands, comme l’unique moyen de parvenir à l’avancement que chacun d’eux se proposoit. Ainsi, voyant les choses de près, il n’espéroit rien de bon de l’Angleterre pour le roi son maître. Il ne se promettoit pas un succès plus heureux de la négociation que la France vouloit entamer à Madrid. Toutefois il croyoit que, si on pouvoit envisager un moyen de sortir d’affaires avec quelque avantage, c’étoit celui de savoir plier aux conjonctures