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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/411

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indirectement le pape des empressements de don Alexandre pour la connétable Colonne. Ce fut peut-être faussement qu’on accusa Giudice de cet indigne personnage, car il avoit beaucoup d’ennemis ; et depuis qu’il étoit sorti d’Espagne, ceux qui vouloient plaire au cardinal Albéroni ne l’épargnoient pas.

Acquaviva, traitant de frivoles les causes alléguées du refus des bulles de Séville, entreprit de les détruire ; il prétendit que le roi d’Espagne avoit été obligé de tenir la conduite qu’il avoit tenue pour arrêter les pratiques de ses sujets rebelles, et empêcher les troubles qu’ils vouloient exciter dans sou royaume sous ombre de la juridiction et des immunités ecclésiastiques, et que, quand même son ministre Albéroni lui auroit donné de mauvais conseils là-dessus, cette raison n’en étoit pas une de lui refuser des bulles, puisqu’elles ne le pouvoient être dans les règles que pour mauvaises mœurs ou mauvaise doctrine. Il ajouta que, si le pape tenoit consistoire sans y proposer l’archevêque de Séville, il protesteroit publiquement, et qu’il appelleroit en cause tous les princes qui ont droit de nommer aux bénéfices de leurs États, que cette affaire ne regardoit pas moins que le roi d’Espagne. Ce mémoire, qu’Acquaviva fit remettre au pape, fut accompagné de menaces de rupture et de protestations dont il fut fort irrité. Il refusa le délai du consistoire, parce qu’il y falloit proposer l’évêché de Nankin, en expédier les bulles, les envoyer diligemment à Lisbonne où les vaisseaux destinés pour les Indes étoient prêts à faire voile. Il dit qu’il proposeroit Séville quand le roi d’Espagne lui auroit donné satisfaction sur ses sujets de plainte ; et comme il craignit qu’Acquaviva ne rendît pas un compte assez fidèle de ce qu’il lui avoit fait dire, il chargea particulièrement son nonce à Madrid de bien expliquer ses intentions à Albéroni ; que ce n’étoit pas un refus, mais un délai pour lui donner le temps d’agir auprès du roi d’Espagne pour lui procurer, de Sa Majesté Catholique, les justes satisfactions qu’il attendoit