Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 15.djvu/420

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

une part intime dans la négociation. On croyoit que Schaub et Saint-Saphorin recevoient pension de l’empereur ; mais soit que ce bruit fût vrai ou non, il est certain que ces trois hommes blâmoient également le régent de n’être pas assez complaisant pour les prétentions et les demandes de la cour de Vienne, et qu’ils répétoient souvent qu’il ne devoit pas espérer de conclure, si, persistant à soutenir l’Espagne, il laissoit le temps à l’empereur de signer la paix avec les Turcs. Ils disoient que les Allemands se défioient de la fermeté du régent ; que le prince Eugène, particulièrement plus éclairé qu’un autre, relevoit tous les pas qu’il faisoit en faveur de l’Espagne ; que Bonac, ambassadeur de France à la Porte, cabaloit pour empêcher les Turcs de faire la paix ; que ses démarches étoient si publiques que le comte de Koenigseck auroit ordre de s’en plaindre au nom de l’empereur, et même d’en demander satisfaction. Ils ajoutoient que le régent, non content de faire agir l’ambassadeur de France à Constantinople, avoit de plus donné au roi d’Espagne un officier françois pour le faire passer en Turquie, et pour y seconder, de la part de l’Espagne, les manèges de Bonac ; qu’il falloit donc conclure de ce procédé peu sincère que les branches de la maison de France seroient toujours unies entre elles, et constamment liées contre les puissances qui pourroient leur faire ombrage. Ils blâmoient la mauvaise foi de la cour de France, et vantoient la candeur et la droiture de celle de Vienne, et reprochoient au régent les choses où il n’avoit point de part ; par exemple, qu’un officier grison, nommé Salouste, autrefois dans le service du roi, étoit alors dans son pays, qu’il y avoit été envoyé par le duc du Maine ; et que sous son nom cet officier travailloit à renouveler en faveur du roi d’Espagne le capitulat de Milan, même à lever un régiment grison pour le service de Sa Majesté Catholique. Non seulement la cour de Vienne se plaignoit de ces envois, où certainement le régent n’avoit nulle part, mais elle prétendoit encore que l’abbé Dubois,