Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/308

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moi-même que de celle de mes raisons. Il m’embrassa, me céda tout court ; me dit que je lui parlois en ami, non en duc et pair. J’en pris occasion de quelques légers reproches de ses soupçons à cet égard. Nous convînmes donc de laisser le duc du Maine pour une autre fois non compliquée. M. le duc d’Orléans revint au parlement et me proposa de chasser le premier président. Je m’y opposai de même, et lui dis que cet homme tenoit trop au duc du Maine pour frapper sur lui en laissant l’autre entier ; que rien n’étoit plus dangereux que d’offenser à demi un homme aussi puissamment établi et aussi méchant que le duc du plaine ; qu’il falloit attendre pour l’un comme pour l’autre ; qu’en cela encore je lui parlois en ami, contre moi-même, puisque mon plaisir le plus sensible seroit de perdre un scélérat, auteur et instrument de toutes les horreurs qui nous étoient arrivées ; qu’il falloit, au contraire, le caresser en apparence et faire accroire, malgré lui, au parlement qu’il avoit été dans la bouteille, pour achever de le perdre dans sa compagnie et achever après de le déshonorer par faire publier tout l’argent qu’il a eu depuis la régence et ses infamies avec Bourvalois ; qu’éreinté de la sorte, on s’en déferoit après bien aisément, quand il seroit temps de tomber sur le duc du Maine. Le régent me loua et me remercia encore, et convint que j’avois raison. Il me dit qu’il étoit résolu de suivre le mémoire que j’avois dicté à Fagon et point celui de l’abbé Dubois. Celui-ci vouloit différer le lit de justice jusqu’après la Saint-Martin, se contenter maintenant de casser les arrêts du parlement, et attendre aux vacances à exiler plusieurs membres mutins de cette compagnie. Et moi, au contraire, je voulois précipiter les coups ; tant sur le général que sur les particuliers. Après avoir bien discuté tous les inconvénients et leurs remèdes, nous vînmes à la mécanique. Je la lui expliquai telle que je l’imaginois, et je me chargeai, à la prière du régent, de la machine matérielle du lit de justice, par Fontanieu, garde meuble de la couronne, à