Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/322

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si l’éducation demeure à M. du Maine jusqu’alors ; l’autre, qu’elle lui demeurera certainement, si à l’occasion présente elle ne lui est ôtée. Ajustez cela tout comme il vous plaira, mais voilà le fait : car de me fier à ce que M. le duc d’Orléans me promettra, c’est un panneau où je ne donnerai plus, et de me jouer à être perdu dans quatre ans, c’est ce que je ne ferai jamais. — Mais la guerre civile, lui repartis je. — La guerre civile, me répliqua-t-il, voici ce que j’en crois : M. du Maine sera sage ou ne le sera pas. De cela on s’en apercevra bientôt en le suivant de près. S’il est sage, comme je le crois, point de troubles. S’il ne l’est pas, plus de difficulté à le dépouiller. — Mais son frère, interrompis-je, dont le gouvernement est demi-soulevé, s’il s’y jette ? — Non, me dit-il, il est trop honnête homme, il n’en fera rien. Mais il le faudra observer et l’empêcher d’y aller. — En l’arrêtant donc ? ajoutai-je. — Bien entendu, me dit-il, et alors il n’y a pas d’autre moyen, et il le méritera, car il faut commencer par le lui défendre. — Mais, monsieur, lui dis-je, sentez-vous où cela vous conduit ? À pousser dans la révolte forcée et dans le précipice d’autrui un homme adoré et adorable par son équité, sa vertu, son amour pour l’État, son éloignement des folles vues de son frère, dans le soutien duquel il se perdra par honneur, comme vous avez vu qu’il s’est donné tout entier à leur procès contre vous, bien qu’il en sentît tout le foible, et qu’il en eût toujours désapprouvé l’engagement. Je vous avoue que l’estime que j’ai conçue pour lui depuis la mort du roi est telle qu’elle a gagné mon affection, et ce dont je m’émerveille, qu’elle a eu la force d’émousser l’ardeur de mon rang à son égard. Vous, qui êtes son neveu, et dont il a pris soin à votre première entrée dans le monde, n’êtes-vous point touché de sa considération ? — Moi, me dit-il, j’aime M. le comte de Toulouse de tout mon cœur, je donnerois toutes choses pour le sauver de là. Mais quand c’est nécessité, et qu’il y va de ma perte et de troubler l’État…. Car enfin, monsieur, me laisserai-je écraser dans quatre