Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1857, octavo, tome 16.djvu/350

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

puis, à distance raisonnable, M. du Maine par la porte de chez le roi ; enfin le maréchal de Villeroy après lui. Cette manière d’entrer me frappa, et me fit presser M. de La Force de le dire à M. le duc d’Orléans dès qu’il arriveroit ; il le fit. Moi, cependant, je fus pris par M. le Duc, qui me dit qu’il m’avoit cherché aux Tuileries. Je le priai de s’y trouver le soir, et que je n’y manquerois pas ; que j’y avois été la veille trop tard, et que je lui dirois pourquoi. Je coupai court ainsi, et me séparai de lui en hâte de peur d’être remarqué, ce qu’on craint toujours quand on sent qu’il y a de quoi. Après le conseil, M. le duc d’Orléans pria fort à propos les princes, qui toutes les semaines alloient chasser chez eux, de ne s’absenter point à cause de l’examen de l’arrêt du conseil en cassation de ceux du parlement, et indiqua un conseil extraordinaire de régence pour le jeudi suivant après dîner, qu’il colora même de l’expédition de quelques affaires du conseil qui finissoit, et qu’il laissa exprès en arrière. On ne peut croire combien ce conseil indiqué au jeudi après dîner servit à couvrir le projet.

Rentré chez moi, je ne songeai qu’à compasser mon heure des Tuileries pour ne pas manquer M. le Duc une seconde fois. Je priai Louville de m’y conduire pour dépayser mes gens qui ne m’avoient jamais vu aller aux promenades publiques. Louville traversa le jardin, et je trouvai M. le Duc au second tour de l’allée du rendez-vous. Je lui fis d’abord mes excuses de la veille, et lui dis ce qui me l’avoit fait manquer. Après je lui demandai à quoi il en étoit avec Son Altesse Royale. Il me dit qu’il avoit peine à se résoudre. Je lui répondis que je ne m’en étonnois pas, que l’article de M. son frère étoit une grande enclouure, et que c’étoit à lui à l’ôter. Il se récria comme il avoit accoutumé de faire là-dessus, me fit le récit, tel qu’il lui plut, de sa sortie de France, et en conclut ce qu’il voulut. Je repris son narré, et lui fis remarquer que ce qu’il me faisoit l’honneur de me dire étoit vrai sans doute, puisqu’il me le donnoit pour tel ; mais qu’il falloit