Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/10

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et en trouver tout bon dans ces premiers jours ; lui laisser la liberté de Saint-Cloud, de Bagnolet, de Paris, de Montmartre, de le voir ou de ne le point voir ; se mettre en sa place et adoucir un si grand coup par toutes les complaisances et les attentions imaginables ; donner lieu et plein champ aux caprices et aux fantaisies, et ne craindre point d’aller trop loin là-dessus. Il y entra avec amitié et compassion pour Mme la duchesse d’Orléans, sentant, et revenant souvent au travers qu’elle avoit si avant sur sa bâtardise, moi rompant la mesure, et disant qu’il n’étoit pas maintenant saison de le trouver mauvais. Je lui demandai aussi de ne point trouver mauvais ni étrange si Mme la duchesse d’Orléans, sachant ce que je lui portois, refusoit de me voir. Il me permit, en ce cas, de n’insister point, et me promit de ne s’en fâcher pas contre elle. Après ces précautions, de la dernière desquelles je méditois de faire usage, je le priai de me dire si, Madame étant à Saint-Cloud, il me chargeoit de la voir ou non. Il me remercia d’y avoir pensé, et me pria de lui rendre compte de sa part de toute sa matinée, et surtout me recommanda de revenir tout droit lui dire comment le tout se seroit passé. Je protestai encore de l’abus qu’il faisoit de mon obéissance, de ma juste répugnance, de mes raisons personnelles et particulières de résistance, des propos du monde auxquels il m’exposoit ; et finalement je le quittai comblé de ses amitiés et de douleur de ce qu’il exigeoit de la mienne.

Sortant d’avec lui, je trouvai un page de Mme la duchesse d’Orléans, tout botté, qui arrivoit de Saint-Cloud. Je le priai d’y retourner sur-le-champ au galop, de dire en arrivant à la duchesse Sforze que j’y arrivois de la part de M. le duc d’Orléans ; que je la suppliois que je la trouvasse en descendant de carrosse, et que je la pusse entretenir en particulier avant que je visse Mme la duchesse d’Orléans ni personne. Mon projet étoit de ne voir qu’elle, de la charger du paquet, sous couleur de plus de respect pour Mme la duchesse d’Orléans, de ne la point voir, puisque je m’étois assuré que