Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/103

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Elle lui demanda où on la menoit : il répondit simplement : « à Fontainebleau, » et vint rendre compte au régent. L’inquiétude de Mme du Maine augmenta à mesure qu’elle s’éloignoit de Paris ; mais, quand elle [se] vit en Bourgogne, et qu’elle sut enfin qu’on la menoit à Dijon, elle déclama beaucoup.

Ce fut bien pis quand il fallut entrer dans le château, et qu’elle s’y vit prisonnière sous la clef de M. le Duc. La fureur la suffoqua. Elle dit rage de son neveu, et de l’horreur du choix de ce lieu. Néanmoins, après ces premiers transports, elle revint à elle, et à comprendre qu’elle n’étoit ni en lieu ni en situation de faire tant de l’enragée. Sa rage extrême se renferma en elle-même, elle n’affecta plus que de l’indifférence pour tout et une dédaigneuse sécurité. Le lieutenant de roi du château, absolument à M. le Duc, la tint fort serrée, et la veilla et ses deux femmes de chambre de fort près. Le prince de Dombes et le comte d’Eu furent en même temps exilés à Eu, où ils eurent un gentilhomme ordinaire toujours auprès d’eux, et Mlle du Maine envoyée à Maubuisson.

Son bon ami, le cardinal de Polignac, qu’on crut être de tout avec elle, eut ordre le même matin de partir sur-le-champ pour son abbaye d’Anchin, accompagné d’un des gentilshommes ordinaires du roi, qui demeura auprès de lui tant qu’il fut en Flandre ; le cardinal partit sur la fin de la matinée même. Dans le même moment, Davisard, avocat général du parlement de Toulouse, qui s’étoit signalé par ses factums pour le duc du Maine contre les princes du sang ; deux fameux avocats de Paris, dont l’un se nommoit Bargetton, qui y avoient fort travaillé avec lui ; une Mlle de Montauban, attachée à Mme du Maine en manière de fille d’honneur, et une principale femme de chambre, favorite, confidente, et sur le pied de bel esprit, avec quelques autres