Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/144

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quent ridicule, inepte, indigne de la majesté du roi d’Espagne. Mais il en fut comme des lettres au parlement. Le duc du Maine, à faute de mieux, vouloit du bruit, éblouir, imposer par de grands noms aux ignorants, qui font le très grand nombre. Cette méthode lui avoit réussi à museler et à se jouer de cette prétendue noblesse qu’il avoit enivrée des charmes de croire figurer et représenter le second ordre de l’État, qu’il ravala ensuite avec la même facilité, jusqu’à présenter en son prétendu corps une requête à nosseigneurs de parlement, en faveur de celui qui la mettoit à tous usages, et qui enfin osa demander à n’être jugé contre les princes du sang que par les états généraux qui n’ont ni pouvoir ni autorité de juger rien. Le duc du Maine n’étoit pas en mesure de parler des pairs ; il y étoit trop avec le parlement pour s’adresser ou faire adresser le roi d’Espagne à la noblesse seule ou au clergé. Il fallut donc supposer des états généraux qui n’existoient point, et qui, quand ils sont assemblés par et sous l’autorité royale, comprennent l’un et l’autre avec le tiers état, mais duquel il eut le soin de distinguer les parlements par cette lettre circulaire dont on vient de parler. La plus folle de ces quatre pièces est sans doute la requête au roi d’Espagne des états généraux de la France, qui n’étoient point, qui n’existoient point, puisqu’ils n’étoient ni assemblés ni convoqués. C’étoit donc un fantôme qui parloit en leur nom, et comme un de ces rôles joués sur les théâtres, par ces héros morts depuis mille ans. La simple inspection d’une puérilité qui en effet ne pouvoit tromper que des enfants ne permet pas d’imaginer que le cardinal Albéroni pût être tombé dans des sottises si grossières. Mais tout étoit bon à M. du Maine à qui l’aveuglement qu’il avoit jeté sur cette prétendue noblesse avoit fait espérer qu’il auroit le même bonheur à infatuer tout le royaume. À l’égard de la lettre du roi d’Espagne au roi, que Cella-