Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/22

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tout du face à face ; enfin de proposer la publication de ses méfaits ou son rétablissement. À mesure qu’elle ne réussissoit pas, chagrins, larmes, aigreur, emportements, fureurs, et fureurs sans mesure. Elle s’enferma sans vouloir voir le jour ni son fils même, qu’elle aimoit avec passion, et porta les choses au delà de toute sorte de mesure. Elle savoit bien à qui elle avoit affaire. Tout autre que M. le duc d’Orléans, se voyant à bout de complaisance et d’égards, lui eût demandé, une bonne fois et bien ferme, lequel elle aimoit le mieux et de préférence de lui ou de son frère : si lui, qu’elle ne devoit avoir d’autres intérêts que les siens, et ne lui parler jamais de son frère ni de rien qui en approchât, ce qu’il lui défendoit très expressément, et ne pas troubler le repos et l’intelligence de leur union par ce qui ne pouvoit que la rompre ; si son frère, qu’elle pouvoit se retirer au lieu qu’il lui marqueroit et avec la suite et les gens qu’il choisiroit, et compter d’y passer sa vie sans entendre jamais parler de ses frères, non plus que de lui ni de leurs enfants (avec ce sage et nécessaire compliment, et une conduite soutenue, M. le duc d’Orléans se seroit bien épargné des scènes, des chagrins, des dépits, des importunités, des malois ses et des misères, et à Mme la duchesse d’Orléans aussi), et chasser sur-le-champ Mme de Châtillon, les Saint-Pierre et quelques bas domestiques qui faisoient leur cour à Mme la duchesse d’Orléans de l’entretenir en cette humeur, et qui étoient son conseil là-dessus, pour la gouverner dans tout le reste.

Ce n’étoit pas à moi à inspirer une si salutaire conduite à M. le duc d’Orléans. Aussi me gardai-je très soigneusement de lui en laisser apercevoir la plus petite lueur. Je fus d’autant plus réservé à ne lui jamais parler de Mme la duchesse d’Orléans là-dessus, et à laisser tomber tout discours quand il m’en faisoit ses plaintes, qu’ayant dit à Mme Sforze, à Saint-Cloud, que je la priois de dire à Mme la duchesse d’Orléans que je croyois plus respectueux de la