Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/328

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Pologne ; il ne se brouilla ni avec ses sujets ni avec le corps des protestants ; il demeura toujours leur chef et leur protecteur, dont il conserva toujours la considération, le crédit et l’autorité en Allemagne. Sa mère étoit fille de Frédéric III, roi de Danemark, qui survécut vingt ans à son couronnement à Cracovie, et qui ne le voulut jamais voir depuis. Il avoit épousé en 1693 Christine-Évérardine, fille de Christian-Ernest de Brandebourg, marquis de Bareith [1], qui se retira dans un château à la campagne dès qu’elle sut sa conversion, ne prit jamais les marques de reine ni n’en voulut admettre les traitements, fut plusieurs années sans pouvoir se résoudre à le voir quand il venoit en Saxe, et ne le vit enfin que comme en visites très courtes et très froides, sans avoir jamais voulu approcher des frontières de Pologne. L’électeur s’en consola aisément, mais il avoit encore un autre dessein à exécuter. C’étoit de convertir son fils aîné et de lui assurer la couronne de Pologne, sans perdre après lui la précieuse qualité de chef et protecteur né des protestants. Pour arriver à ce but, il falloit séparer doucement le jeune prince d’une mère si entêtée de sa religion, sans montrer ses desseins sur lui, et le confier à des personnes assez sûres et assez intelligentes pour tourner le prince électoral suivant ses vues. C’est à quoi il eut encore le bonheur de réussir, et ce qui le détermina à le dépayser de Saxe par de longs voyages. Le P. Salerne eut l’honneur de la conversion du fils comme il avoit eu celle du père. Il accompagna le jeune prince dans tous ses voyages, déguisé en cavalier ; il le confessoit et le dirigeoit, et comme il n’étoit pas encore temps que sa conversion parût, il lui disoit la messe avant que la suite du prince le sût éveillé, dont il avoit une permission du pape. Au retour de ses voyages, la conversion, comme on l’a vu ici, fut déclarée, et presque en même temps son mariage avec une archiduchesse. Salerne

  1. Cenom s’écrit quelquefois Bareuth ou Bayreuth. Aujourd’hui Bareuth est une ville du royaume de Bavière.