Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/351

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Fare, à qui le voyage de Reims fut destiné, saisit en habile compagnon la difficulté qu’on craignoit, la grossit tant qu’il put, effraya l’abbé Dubois de l’effet du refus du prélat, de la vigueur et du peu de ménagement de l’archevêque, assis sur un siège tel que celui de Reims, que le pape venoit de faire cardinal et qui étoit sans doute de fort mauvaise humeur du hoquet qu’on faisoit durer si longtemps, à lui en laisser prendre les marques, la qualité et le rang.

La Fare n’oublia rien pour augmenter l’embarras de l’abbé Dubois, et le laissa quelques jours dans cette peine. Dubois le mandoit sans cesse pour chercher quelque expédient. Quand La Fare le jugea à son point, il lui dit qu’après bien des réflexions, il croyoit lui en pouvoir proposer un ; mais qu’il étoit unique, et à son avis causa sine qua non. Il verbiagea un peu avant de s’en ouvrir, pour exciter le désir de Dubois ; puis, l’ayant amené à ne rien refuser, il lui dit que, puisqu’il regardoit comme si essentiel d’amener l’archevêque à signer l’approbation d’un corps de doctrine fait par son ennemi et inconnu encore à Rome, il falloit flatter sa vanité dans la manière et à la fin le satisfaire ; que, pour cela, il falloit le distinguer des autres prélats, à qui on envoyoit des gens du second ordre, et lui députer à lui l’évêque de Soissons ; que cela étoit tout naturel, parce qu’il étoit son premier suffragant, ardent constitutionnaire, d’ailleurs son voisin, dont le voyage seroit imperceptible d’ailleurs, Soissons étant sur le chemin de Paris à Reims ; que cela auroit un tout autre poids auprès de l’archevêque, que non pas lui La Fare, son grand vicaire, quoique son ami ; mais que cela ne suffisoit pas encore ; qu’il falloit toucher l’archevêque par son intérêt le plus vif et le plus pressant, profiter de l’occasion de mettre fin à un état de souffrance qui ne pouvoit pas toujours durer ; que pour cela il falloit encore s’y prendre avec la délicatesse que demandoit la vanité ; qu’après avoir bien tout pesé et balancé, il croyoit qu’il falloit charger Languet de deux lettres de M. le duc d’Orléans pour l’archevêque :