Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/412

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chose si importante, n’avoit garde de le pousser ; il vouloit être maître de l’affaire en total, par les raisons qui en ont été rapportées ; et non seulement il ne l’étoit plus en poussant le premier président, mais il ne pouvoit douter que ses dépositions apprendroient à M. le duc d’Orléans tout ce que lui Dubois lui avoit caché de toute cette conspiration pour en demeurer lui seul le maître, et c’en étoit bien plus qu’il n’en falloit pour sauver le premier président, parce que ce n’étoit pas moins que de se sauver lui-même d’une si perfide et noire infidélité. Ainsi toute pensée d’agir contre de Mesmes tomba bientôt, et la chose demeura entièrement secrète ; c’est la Chausseraye elle-même qui la conta longtemps depuis au procureur général telle que je la viens d’écrire, et je l’ai écrite aussitôt qu’il me l’a eu racontée, pour l’insérer ici dans l’exactitude précise qu’il me l’a rendue bien des années après la mort de M. le duc d’Orléans, de ce coquin de Mesmes, si fort scélérat par excellence, et si prodigieusement impudent, qui mourut avant le régent comme il avoit vécu, et de la Chausseraye, qui mourut longtemps après.

Il n’est pas étrange que M. le duc d’Orléans ne m’ait jamais parlé de cette terrible aventure, tenu d’aussi court qu’il l’étoit alors par l’abbé Dubois qui le détournoit avec empire de tous ceux de sa confiance, et de moi plus que de pas un, parce que la sienne pour moi étoit plus entière, plus fondée, plus de tous les temps, surtout qu’il l’empêchât de s’ouvrir à moi sur une matière dont il s’étoit rendu seul maître, et sur laquelle ma haine pour le duc du Maine et pour le premier président, qui auroit pu augmenter ma force et ma liberté ordinaire de parler à M. le duc d’Orléans, auroit fait courir à Dubois le risque de se voir forcer la main, par conséquent celui de sa ruine, par la manifestation de tout ce qu’il avoit caché au régent, et que les dépositions du premier président et de bien d’autres nécessairement arrêtés sur les siennes, auroient mis au net et au