Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 17.djvu/458

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s’appliqua fort à la rote, et y acquit la réputation d’un des plus capables de ce tribunal. Quand il s’y fut ancré et qu’il eut acquis des amis et de la considération dans Rome, son génie et son humeur se déployèrent, et son ambition se développa. Il ne songea qu’à plaire à la cour de Rome et à ceux qui la gouvernoient ou qui pourroient la gouverner à leur tour, et se mit en tête de se faire cardinal par cette voie. Dans ce plan de conduite il ne craignit pas de se lier étroitement avec les personnages principaux et autres qu’il se crut utiles, quoique déclarés contre la France, et de marcher ainsi tête levée dans toutes les routes qui pouvoient favoriser son projet.

L’abbé Dubois avoit des agents secrets à Rome pour son chapeau. Gamaches les découvrit, les suivit, chercha inutilement à avoir par eux quelque part en leurs menées. Il fut pique du mystère qu’ils lui en firent, se brouilla avec eux, se mit à les traverser de dépit, et aussi pour faire sentir à l’abbé Dubois qu’il avoit besoin de lui. Dubois en fut bientôt averti ; la fureur le saisit contre l’abbé de Gamaches, qu’il trouva plus court de rappeler, dans la puissance où il se trouvoit de tout faire. Un autre que Gamaches auroit été accablé, mais il l’avoit prévu et s’étoit préparé à en soutenir le choc. Il commença par s’excuser, continua par se plaindre ; mais comme il s’aperçut que cette conduite n’opéroit pas de changement à son rappel, il chaussa le cothurne et osa se déclarer ; il déclara donc à l’abbé Dubois que ce rappel n’étoit point en sa puissance, pour couler doucement qu’elle n’étoit pas en celle du régent, par conséquent en celle du roi même. Il avança nettement que le feu roi, en le nommant à l’auditorat de rote pour la France, avoit consommé son pouvoir ; que du moment qu’il étoit pourvu, agréé à Rome et en possession, il étoit devenu magistrat d’un des premiers tribunaux du monde ; que dès là il ne dépendoit plus du roi, ni pour sa place, ni pour ses fonctions, ni pour sa personne ; que si on pouvoit juridiquement