Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/10

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Il étoit trop habile pour vouloir des finances en chef, en l’état ou elles se trouvoient. En peu de temps de gestion, on eut oublié Law, et on s’en seroit pris à lui ; il en savoit trop aussi pour souffrir un nouveau contrôleur général, qui, pour le temps qu’il auroit duré, eut été le maître ; et c’est ce qui en fit partager l’emploi en cinq départements. Véritablement, il choisit celui qu’il voulut, et ayant ainsi remis un pied dans la finance, ses quatre collègues le furent moins que ses dépendants. Ce fut une autre comédie, que celle que donna le régent, en refusant de voir Law, amené par le, duc de La Force par la portée ordinaire, et peut-être par une suggestion du garde des sceaux, qui les haïssait tous deux, pour leur en donner la mortification ; puis de voir le même Law amené des le lendemain par Sassenage, par les derrières, et reçu. M. le Duc, Mme sa mère, et tout leur entour, étoient trop avant intéressés dans les affaires de Law, et en tiroient trop gros pour l’abandonner. Ils accoururent de Chantilly, et ce fut un autre genre de vacarme que M. le duc d’Orléans eut à soutenir. L’abbé Dubois, tout absorbé dans sa fortune ecclésiastique, qui couroit enfin à grands pas à lui, avoit été la dupe de l’arrêt, puis n’osa soutenir Law contre l’universalité du monde. Il se contenta de demeurer neutre et inutile ami, sans que Law encore osât s’en plaindre. D’un autre côté, Dubois n’avoit garde de se brouiller avec un homme dont il avoit si immensément tiré, et qui, n’ayant plus d’espérance, se pouvoit dépiquer à le dire. Dubois aussi n’avoit garde de le protéger ouvertement contre un public entier aux abois et déchaîné. Tout cela tint encore quelque temps Law comme suspendu par les cheveux, mais sans avoir pied nulle part, ni consistance, jusqu’à ce que, comme on le verra bientôt, il fallut céder et changer encore une fois de pays.

Cet arrêt fut donné et rétracté pendant une courte vacance du conseil de régence, que j’allai passer à la Ferté. La veille de mon départ, étant allé prendre congé de M. le duc d’Orléans,