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Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/11

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je le trouvai dans sa petite galerie avec peu de monde. Il nous tira à part, le maréchal d’Estrées, moi et je ne sais plus qui encore, et nous apprit cet arrêt qu’il avoit résolu. Je lui dis qu’encore que je me donnasse pour n’entendre rien en finance, cet arrêt me sembloit fort hasardeux ; que le public ne se verroit pas tranquillement frustrer de la moitié de son bien, avec d’autant plus de raison qu’il craindroit tout pour l’autre ; qu’il n’y avoit si mauvaise emplâtre [1] qui ne valut mieux que celle-là, dont sûrement il se repentiroit. On voit, par bien des endroits de ces Mémoires, que je disois souvent bien sans en être cru, et sans que les événements que j’avois prédits et qui arrivent corrigeassent pour d’autres fois. M. le duc d’Orléans me répondit d’un air serein en pleine sécurité. Les deux autres parurent de mon avis, sans dire grand’chose. Je m’en allai le lendemain, et il arriva ce que je viens de raconter.

Des que M. le duc d’Orléans eut vu Law, comme il vient d’être dit, il travailla souvent avec lui, et le mena même, le samedi 25, dans sa petite loge de l’Opéra, où il parut fort tranquille. Toutefois les écrits séditieux et les mémoires raisonnés et raisonnables pleuvoient de tous côtés, et la consternation étoit générale.

Le parlement s’assembla le lundi 27 mai au matin, et nomma le premier président, les présidents Aligre et Portail, et les abbés Pucelle et Menguy pour aller faire des remontrances. Sur le midi du même jour, M. le duc d’Orléans envoya La Vrillière dire au parlement qu’il révoquoit l’arrêt du mercredi 22 mai, et que les actions et les billets de banque demeureroient comme ils étoient auparavant. La Vrillière, trouvant la séance levée, alla chez le premier président lui dire ce dont il étoit chargé. L’après-dînée, les cinq députés susdits aillèrent au Palais-Royal, furent bien reçus ; M. le duc d’Orléans leur confirma ce qu’il leur avoit mandé par

  1. L’auteur fait emplâtre du féminin.