Page:Saint-Simon - Mémoires, Chéruel, Hachette, 1858, octavo, tome 18.djvu/105

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ses plaintes de la conduite du maréchal de Villeroy à son égard, de ses liaisons, de ses vues folles, mais dangereuses, et du péril pour lui régent de laisser croître le roi entre ses mains, et les conclut par me déclarer résolument qu’il me vouloit mettre en sa place. Je lui opposai les mêmes raisons que je lui avois alléguées les autres fois que cette même tentation l’avoit surpris. Je le fis souvenir combien il avoit approuvé le conseil que je lui avois donné vers la fin de la vie du feu roi, qu’au cas qu’avant sa mort, ou par testament, il ne disposât pas de la place de gouverneur de son successeur, lui, M. le duc d’Orléans, après toutes les horreurs qu’on avoit eu tant de soin de répandre partout, devoit se garder sur toutes choses de mettre en une place si immédiate à la personne du jeune roi aucun de ceux qui étoient publiquement ses serviteurs particuliers, moi moins que pas un, qui, dans tous les temps, ne m’étois jamais caché de l’être, et le seul qui eût continué à le voir hardiment, publiquement et continuellement dans l’abandon général où il s’étoit trouvé. J’insistai que ces mêmes raisons qui m’avoient engagé à le remercier avec opiniâtreté les autres fois qu’il m’avoit pressé d’accepter cette place, subsistoient toutes pour me la faire encore refuser. J’ajoutai que, convenant avec lui de tout sur le maréchal de Villeroy ces mêmes raisons qui m’éloignoient de lui vouloir succéder, militoient toutes pour l’y faire conserver ; que, de plus, le désordre dévoilé des finances, et la sortie de Law du royaume, auquel le maréchal de Villeroy s’étoit opposé dans tous les temps avec éclat, n’étoit pas le moment de l’ôter d’auprès du roi, et qu’il seroit tôt ou tard trop dangereux, après avoir renvoyé le duc du Maine, de réunir en faveur du maréchal de Villeroy et contre Son Altesse Royale le renouvellement des plus affreux soupçons, et le spécieux martyr du bien public, et de l’ennemi de Law et des ruines dont il avoit accablé l’État, mettre en furie Paris qui croyoit la vie du roi attachée à sa vigilance, le parti du duc du Maine